On dit souvent que la valeur n'attend pas le nombre des années, et loin de moi l'idée de remettre en cause le célèbre adage, mais il faut pourtant bien admettre que le temps est un élément souvent nécessaire et parfois crucial au correct mûrissement des projets et des oeuvres.
Justement, c’est d’un projet qui a mis du temps à éclore dont il est question ici : celui de Breaking the wave, le groupe de deux amis de longue date, Matthieu Malon et Joseph Mars.
A ces amis, il aura fallu de nombreuses années, plus d'une quinzaine, pour enfin finaliser leur premier véritable album baptisé d’un nom sonnant comme un coup de poing Dead Killer Story.
Le disque présente plusieurs particularités dont une majeure : il ne sortira qu'en version vinyle, et à 100 exemplaires. Pas de version cd ni digitale. Nous sommes bien en 2017, et on pourrait penser légitimement qu'il s'agit d'un suicide artistique à l'époque où la musique ne s'écoute presque plus qu'exclusivement via des plateformes en lignes. Au contraire, à mon sens, une telle démarche participe à une nouvelle tendance et est l’illustration d’une volonté farouche et un peu militante de redonner à l'écoute de la musique la valeur qu'elle aurait dû toujours garder. Cette valeur qui se perd depuis 20 ans, c'est-à-dire à une vraie pratique culturelle, active, qui demande un peu d'investissement, d’attention.
Redonner à l'objet disque l'importance qu'il mérite avec toute la sacralité qu’aime y consacrer le véritable amateur, est déjà un pari assez risqué. A la limite de la folie terminale. Mais l'élément le plus notable dans ce projet, et celui qui m’aura le plus interpellé avant la moindre écoute, est la pluridisciplinarité dans lequel il s'inscrit. L'addition croisée et complémentaire de la musique, de la vidéo, de l'illustration et de la narration.
Un objet, (le vinyle donc), une pochette belle et percutante (de l’illustrateur Mathieu Persan), un teaser vidéo (soigneusement filmé par Mélanie Dalsace) dans lequel les deux amis racontent la genèse de leur album.
Une histoire, comme le titre l'annonce, et il y en a bien une. Le groupe la résume ainsi : "Anton est un garçon complètement perdu. Désocialisé, a-sentimental et grand solitaire ; il trompe l’ennui par des rencontres érotico-numériques. Ses journées dans un bureau banal et son quotidien sont sans relief. Les années passées ainsi finissent par l’assommer. Pour épicer sa vie, il va commettre l’irréparable". La promesse narrative est déjà à elle seule l’espoir d’un contenu romanesque singulier.
Et la musique, puisqu'il faut bien en parler un peu dans une chronique musicale. Les références se situent assez naturellement vers le rock et la pop. C'est brut et percutant, et même si certains moments surprenants ne manqueront pas de vous interpeller, l'ensemble est d'une incroyable cohérence et la progression tout au long de l'album permet d’y entrer d’abord, de s’y plonger ensuite pour ancrer profondément l'auditeur.
Il n’est absolument pas question de calcul marketing ici, mais de sincérité, d’introspection et de travail menés avec une intelligence et une sensibilité remarquables.
Les bons groupes de rock en France se comptent sur les doigts d'une main, il est aujourd'hui une évidence absolue que Breaking the wave en fait désormais bien partie.
En attendant la sortie de l’album, plus d'infos sur la page facebook du groupe ou directement sur leur site, sur lequel vous pourrez pré-commander Dead Killer Story, dont la sortie est prévue à la fin de l’été 2017.