Pourquoi appeler son disque XIII ? Parce que ce chiffre est au centre de ce disque. Le Quatuor "Rosamunde" est le 13ème des quatuors de Schubert, et le chiffre 13 est au cœur de la structure (en treize mouvements) et de la symbolique du Black Angels de Crumb. Pourquoi apparaître dans une sorte de pénombre ? Pour la symbolique générale, sombre, comme justement le quatuor du compositeur américain, ou celle du madrigal "Hor che’l ciel e la terra" de Claudio Monteverdi.
Il y a autre chose qui fait lien dans ce disque. Outre les attaches que peuvent avoir les pièces les unes avec les autres (des formules rythmiques, thèmes, danses...), c’est l’intensité, l’engagement, la musicalité parfois extatique qui traverse l’interprétation par le quatuor (Carole Petitdemange et Mi-Sa Yang (violons), Yuko Hara (alto) et Joëlle Martinez (violoncelle)).
Le quatuor Black Angels de Crumb fait partie de ses pièces les plus célèbres. Ce superbe quatuor est un réquisitoire contre la guerre du Vietnam et une réflexion sur la mort, sous-titrée "Thirteen images from the dark land for electric string quartet". Comme on peut s’en douter c’est une œuvre âpre, dure, austère, intellectuelle (mais le ressenti y tient toute sa place). C’est une œuvre comme un travail subtil sur le musical (l’Asie comme point de rapprochement), sur les modes de jeux, d’amplification sonore (cordes amplifiées mais utilisation de la voix ou d’autres instruments percussifs) et poétique. La mort y est ubiquitaire, dans les atmosphères, dans les références et citations : la "Jeune fille et la Mort" de Schubert, le "Dies Irae", le triton. Et si une des clefs de cette pièce se trouve dans la numérologie alors c’est bien à un combat entre le bien et mal auquel nous avons affaire : le chiffre 7 représentant la connaissance, le savoir, l’analyse et la chance et le chiffre 13 qui apporte la souffrance ou la mort mais qui marque également le passage à un plan supérieur d'existence.
Une profondeur que l’on retrouve dans les transcriptions des lied "Die Götter Griechenlands" et "Der Tod und das Mädchen" de Schubert et dans le très beau "Hor che'l ciel e la terra" de Claudio Monteverdi.
Alors tant pis si la version du Rosamunde est un tantinet en dessous, manquant peut-être d’une certaine ambiguïté entre tristesse et euphorie, la mort n’est pas encore là ! Jouée trop proche de l’esprit du quatuor n°14 "La jeune fille et la mort" ? Elle reste belle !