American Utopia on Broadway
(Nonesuch) octobre 2019
"Les concerts de musique pop ressemblent d’une autre manière encore aux théâtres occidentaux et asiatiques : leurs publics connaissent déjà l’histoire. Dans le théâtre classique, le metteur en scène tend un miroir à un récit maintes fois raconté et nous permet de le voir sous un jour nouveau. Il en va de même pour les concerts de pop. Le public aime entendre des chansons qu’il connaît déjà et, bien que les versions enregistrées n’aient plus de secrets pour lui, il apprécie de les écouter dans un nouveau contexte. Il ne veut pas entendre une restitution parfaite de l’album, mais une variante "déformée" en quelque sorte. Il souhaite voir ces objets familiers sous un nouvel angle. Cela peut être frustrant pour un artiste de scène. Personne ne veut finir condamné à rejouer ses tubes éternellement" David Byrne
La scène a toujours était un lieu spécial pour David Byrne, un lieu de projection, une autre façon d’envisager, de travailler, de façonner sa musique avec comme point culminant la tournée Stop Making Sense en 1983 avec les Talking Heads, et dont cette série de concerts pourrait être le reflet (avec quelques clins d’œils...).
Après sa tournée mondiale American Utopia, pour accompagner son premier album solo en quatorze ans, Byrne enchaîne avec ses musiciens avec une résidence à Broadway pour ce qui est une série de concerts et non une comédie musicale avec cette recherche ultime, de ne plus avoir, ce qui gêne particulièrement Byrne, à se confronter chaque fois à la configuration et à l’acoustique d’une salle différente et de pouvoir travailler plus profondément encore le son, les lumières, le mouvement et les déplacements.
Une tournée qui avait donné lieu à un spectacle incroyable et éblouissant et qui semble être pour Byrne le plus parfait aboutissement des recherches de mise en scène de sa musique. Les treize musiciens (Jacquelene Acevedo, Gustavo Di Dalva, Daniel Freedman, Chris Giarmo, Tim Keiper, Tendayi Kuumba, Karl Mansfield, Mauro Refosco, Stéphane San Juan, Angie Swan, Bobby Wooten III, Davi Viera), tous pieds nus et vêtus en costume gris sont entre déplacement, dans une scène minimaliste, assez libres ou de manière chorégraphiée (par la chorégraphe Annie-B Parson), dans un genre de marching-band ou de fanfare et moments plus arty (où la politique, les attaques contre le gouvernement Américain sont à peine voilés).
Byrne revisite son répertoire aussi bien en solo qu’avec les Talking Heads dans des arrangements subtils, dynamiques, ingénieux et imaginatifs, presque à l’os ou le rythme, l’essence de sa musique, est omniprésent. Assez époustouflant, avouons-le.