Quelques semaines avant
la sortie de son nouvel album People are
like seasons, Robin Proper Sheppard
était de passage à Paris et nous l'avons rencontré
chez Labels, sa maison de disque...
Pouvez-vous expliquer le titre « People are
Like Seasons » ? Est-ce sur les gens qui changent avec le
temps ?
Oui, c’est ça…cette phrase est
tirée de la chanson “Fool”. En gros, ça
parle d’une conversation que j’ai avec quelqu’un.
L’idée, c’est qu’il ne faut pas être
trop critique avec les gens car les gens sont comme les saisons,
ils changent, tout le monde change. Une personne ne sera pas forcément
comme elle est aujourd’hui toute sa vie. C’est de ça
que parle cette chanson.
Vos chansons sont toujours mélancoliques.
Pourquoi ? Êtes-vous quelqu’un de mélancolique
?
Hmm…Je pense que suis mélancolique même
si je n’aime pas me dire que je le suis, je préfère
me voir comme quelqu’un de plutôt positif et motivé.
Mais je pense aussi que si j’étais esclave de ma mélancolie,
je ne pourrais pas accomplir les choses qui sont essentielles pour
moi, comme ma relation avec ma fille par exemple. Je pense qu’au
plus profond de moi, je suis très sensible à tout
ce qui m’entoure. J’ai tendance à être
profondément touché quand je trouve que quelque chose
est injuste, quand on blesse les gens, quand ils se blessent les
uns les autres, tu vois ce que je veux dire? Ces choses me touchent
vraiment. Il y a effectivement une certaine mélancolie chez
moi, on peut dire ça.
Comment procédez-vous pour l’écriture
des textes et de la musique ?
En fait, tout est étroitement lié.
Je suis pas le genre de personne qui peut s’asseoir avec un
bloc-notes et écrire des paroles, puis sortir me promener
dans un parc et rentrer chez moi et là seulement composer
la musique. Je ne peux pas non plus jouer du piano ou de la guitare,
trouver un air et y coller un texte plus tard. Tout est vraiment
lié, je compose toujours tout en même temps. Car en
fin de compte, ma musique est très simple, et tout ce que
je pense, je le mets sur papier. Tout ce que je pense et me dis
intérieurement influence la musique que je crée, de
même que l’humeur et l’ambiance influencent mes
pensées. Tu vois, tout est donc très lié.
Vous sentez-vous proche de l’univers mélancolique
et folk ?
Non, pas du tout en fait. Je pense que la musique
que je compose n’est que le reflet de ce que j’essaie
de dire. Ce que je fais est plus lié à ce que je ressens
et à la façon dont je veux m’exprimer plutôt
qu’à une quelconque scène ou à un style
de musique. C’est surtout vrai pour le nouvel album. C’est
pas vraiment une question de style en réalité, c’est
plus par rapport aux différentes dynamiques qu’il y
a dans l’album. Par exemple, on ne peut pas dire que “Darkness”
soit une chanson folk comme on ne peut pas dire que “Another
Trauma” soit une chanson rock. Je pense que j’essaie
tout simplement d’exprimer ce que je ressens sur mes albums,
en particulier maintenant que j’ai plus ou moins commencé
à m’ouvrir de nouveau musicalement parlant. D’un
côté je m’éloigne du côté
rock car les gens qui écoutent du rock vont bien évidemment
comprendre que “People are Like Seasons” n’est
pas véritablement un album de rock En même temps, ceux
qui pourraient penser que certaines chansons, en particulier les
plus acoustiques, ont une base un peu plus folk, ne risquent pas
de penser que “Darkness” ou “If a Change Gonna
Come” a une base folk. Tu sais, soit je suis à un extrême
ou un autre, soit je suis tellement entre deux styles qu’il
est impossible de décrire ma musique. Tu sais, je ne fais
qu’ouvrir mon cœur dans cet album en fait. Je n’étais
pas sûr de ce que j’allais en faire quand j’ai
commencé à l’enregistrer et j’ai juste
essayé d’aller au-delà des limites et les seules
limites que j’ai jamais eues avec Sophia sont celles que j’ai
fixées moi-même. Je me posais des limites dans la façon
dont je voulais m’exprimer. Avec cet album, j’ai voulu
franchir ces limites et je me suis vraiment lâché.
Quels groupes écoutez-vous en ce moment ?
J’écoute beaucoup de groupes différents.
Par exemple, je trouve que le dernier album de Killing Joke est
excellent, j’écoute Coldplay, Notwist, Neil Young,
Tom Waits, Goldfrapp… J’aime ces groupes qui essaient
de communiquer avec moi sur un plan personnel, c’est ça
la musique que j’aime car ce sont des musiques qui me touchent.
Ça n’a pas besoin d’être un style de musique
particulier.
Qui est vraiment Sophia ? Vous seulement ?
Eh bien, je dirais que le noyau de Sophia, c’est
mon expérience, donc de ce point de vue-là, Sophia
c’est moi. Mais je pense aussi que maintenant que j’ai
noué de véritables liens avec les musiciens du groupe,
notamment sur scène, et que nous laissons aller la musique
vers différentes directions, tout ceci fait qu’il serait
difficile pour moi de dire que Sophia, c’est juste moi. Je
pense que c’est une représentation de ce que tout le
monde vit à un moment donné et la façon qu’ils
ont d’aborder la musique, des choses comme ça.
Pouvez-vous me parler un peu du choix d’appeler
votre groupe Sophia ?
Oui, bien sûr. A l’origine, le nom vient
d’un film de Hal Hartley, un réalisateur américain
qui a fait entre autres une trilogie (Surviving Desire, Amateur,…),
et Sophia est en fait le nom du personnage d’un de ses films.
Un mec rencontre une fille qui s’appelle Sophia et il parle
de la signification de ce nom avec un autre gars. En grec, cela
veut dire “savoir” ou “sagesse”, ça
dépend du contexte mais la définition qu’ils
donnaient dans ce film, c’était “savoir”.
J’ai trouvé que c’était un très
joli mot et je me suis dis que si la langue grecque avait un aussi
beau mot pour exprimer le fait de savoir, alors ils devaient forcément
avoir un aussi beau mot pour signifier “ne pas savoir”
parce que je n’ai pas l’impression de savoir grand chose
en fait (rires). J’ai donc essayé de trouver ce mot
et finalement, je ne pouvais pas me servir du mot qu’ils avaient
inventé pour signifier “ne pas savoir” car c’était
un mot ridicule et que je ne pourrais jamais appeler mon groupe
comme ça, mais je ne le répèterai pas ici (rires).
Si tu veux savoir ce que c’est, c’est très facile
de le trouver. J’aimais la beauté du mot Sophia, j’adorais
l’impression que ça faisait, j’aimais le fait
que ça ait une sonorité féminine puisque c’est
un prénom féminin. Et j’ai trouvé que
Sophia convenait bien, en particulier à cette époque
là car c’était féminin et que j’exprimais
quelque chose qui était très sentimental. En ce sens,
l’idée n’était pas de créer une
espèce d’image et j’appréciais également
l’ironie qu’il y avait derrière ce mot qui signifiait
“savoir” car je n’avais pas du tout l’impression
de savoir quoi que ce soit, surtout à cette époque.
J’essayais de découvrir où j’allais dans
ma vie et ce que je ressentais par rapport à ce qui se passait
dans ma vie à cette époque. C’est donc de là
que ça vient, avec cette notion d’ironie derrière.
Savez-vous qu’il y a un autre groupe qui s’appelle
Sophia ?
Je pense qu’il y en a quelques-uns effectivement,
il me semble qu’il y a un groupe de death-métal qui
vient de Norvège…
Oui, ils sont de Norvège mais leur musique
est plutôt ambiante / industrielle, ils se servent de machines
pour faire de la musique…
Ah oui? Ok…Je savais qu’il y avait
un groupe norvégien mais je pensais que c’était
juste un groupe de métal en fait. Il me semble qu’il
y a aussi un groupe de punk-rock japonais ou chinois qui s’appelle
Sophia puis il y a aussi une fille aux Etats-Unis qui fait un truc
du genre musique hippie (rires), je sais pas trop, je n’ai
pas écouté ça (rires). En voilà donc
quelques-uns et il y en a certainement d’autres encore. J’ai
entendu parler de ce groupe norvégien, il y a très
peu de temps, j’aimerais savoir ce que ça donne, c’est
bien au moins ?
Oui, mais c’est que de la musique, il n’y
a pas de chant mais j’aime bien.
Pouvons-nous dire que la musique est comme une thérapie pour
vous ? Et si oui, pouvez-vous nous expliquer de quelle façon
c’est une thérapie ?
Oui, tout à fait. C’est très
thérapeutique mais je pense aussi que c’est avant tout
comme un ami qui est toujours là avec moi, c’est une
façon de communiquer avec moi-même en fait. Tu sais,
je vis tout seul à Londres, j’ai beaucoup d’amis
mais je mène plutôt une vie de solitaire, la musique
est donc la seule chose qui soit toujours avec moi. C’est
donc effectivement très thérapeutique et c’est
en gros aussi comme un bon ami pour moi. Parfois, c’est un
mauvais ami, parfois c’est trop sincère, d’autres
fois pas assez, comme un ami quoi.
Rejouerez-vous un jour des chansons de God
Machine ?
Non. C’était une époque
de ma vie que Austin, le batteur de The God Machine et moi-même
avons décidé de laisser derrière nous. Nous
en avons reparlé depuis et il y a toujours eu une certaine
tristesse par rapport au fait qu’il y a beaucoup de morceaux
qui n’ont jamais pu être joués sur scène.
D’une certaine façon, ça serait génial
de pouvoir les jouer en concert, même juste devant une poignée
de personnes qui voudraient vraiment les entendre, des gens qui
seraient de vrais fans de God Machine de l’époque mais
en réalité, cela ne pourrait jamais être pareil.
Les gens ne verraient pas God Machine, ils verraient un autre groupe
reprendre les chansons de God Machine et c’était pas
ça God Machine, tu sais, non, vraiment pas.
Savez-vous si vous avez le même public que
the God Machine ?
Absolument pas. Je dirais qu’au début,
il y avait quelques personnes qui venaient peut-être voir
Sophia en concert par curiosité. Je pense que beaucoup de
ces gens ont été très tristes de voir que je
n’avais pas poursuivi dans la même dynamique que the
God Machine. Mais je pense que les gens qui n’ont pas aimé
Sophia étaient ceux qui n’appréciaient pas God
Machine pour ce qu’il était vraiment. Tu sais, God
Machine est né aux Etats-Unis au début des années
90 en même temps que Nirvana, Soundgarden, les Red Hot Chilli
Peppers, etc. Ce sont des groupes de rock plutôt violents
et les gens nous ont tout de suite classé dans la même
catégorie qu’eux. Moi, j’ai toujours pensé
que même si musicalement nous étions plutôt un
groupe de rock, du point de vue émotionnel, nous étions
différents de ces groupes. Nous voulions faire une musique
très dense mais seulement dans le but d’exprimer quelque
chose d’assez émotionnel plutôt que de faire
de la musique avec des guitares saturées pour que les gens
en prennent plein la tête. Je pense qu’avec Sophia,
l’intention était la même, c’est-à-dire
exprimer ce qui se passait émotionnellement à l’intérieur
de moi mais la musique était différente. Je pense
que les gens qui aiment les deux groupes ont compris que le noyau
est le même, qu’il y a la même profondeur émotionnelle
et la même sensibilité émotionnelle dans les
deux groupes. Malheureusement, il a des gens qui ne voulaient que
des grosses guitares. Cela dit, il y a beaucoup de gens qui se sont
intéressés à Sophia au fil des années
mais qui ne comprennent même pas que je puisse être
la même personne que dans God Machine. Ils ne voient pas le
rapport entre ces deux groupes. Tu sais, d’une certaine façon,
ce sont deux groupes de styles musicaux différents mais avec
quand même le même noyau. Tout dépend donc de
la façon de voir les choses.
Viendrez-vous jouer en Europe après la sortie
de votre album ?
Oui, sans aucun doute ! La première tournée
débutera le 10 février il me semble et durera deux
mois. Ensuite, nous ferons une pause de quelques semaines et nous
reviendrons en Europe, nous ferons aussi quelques dates en France.
Nous allons donc beaucoup tourner. Tu sais, faire des concerts,
c’est important pour le groupe. Si les gens se contentent
d’écouter l’album, ils ne retirent qu’une
impression de moi, je ne pense pas qu’ils puissent comprendre
qui je suis réellement. Je pense qu’il faut me rencontrer
en personne, que ce soit en me voyant jouer en live ou après
le concert quand je vends les Cds, me parler et apprendre à
me connaître de cette façon. Je pense qu’il faut
vraiment essayer de comprendre ça. Ce que tu entends sur
l’album n’est qu’une partie de moi, à un
moment de ma vie et c’est un moment que j’exprime à
travers la musique, mais ce n’est pas complètement
moi, ce n’est pas ma vie minute après minute. Je pense
que c’est important que les gens comprennent ça, et
les concerts, c’est pratique pour faire comprendre que la
personne qui a composé un album n’est pas forcément
la personne qui se promène la journée dans la rue.
Faire des concerts, c’est donc très important pour
nous, très important pour moi, vraiment.
Est-ce parce que faire des concerts est important
pour vous que vous avez sorti un album live ?
Tu sais, je pense que sortir cet album live n’était
en fait qu’un moyen de faire savoir aux fans de Sophia que
je faisais toujours de la musique. Ça faisait quelques années
que j’avais sorti “Infinite Circle”, je me suis
ensuite concentré sur d’autres projets, notamment dans
le punk rock. Il n’y avait aucune profondeur émotionnelle
dans ces trucs, je voulais juste faire venir des amis à moi
dans le studio pour enregistrer. Ça n’avait donc pas
besoin d’être aussi sincère sur le plan émotionnel
que ce que je fais d’habitude. Puis le temps a passé
et je voulais que les gens sachent que je continuais à écrire
mais je n’étais pas encore prêt pour sortir un
nouvel album. C’était juste pour que les gens sachent
que j’étais toujours là. Maintenant, il y a
“People are Like Seasons” qui est certainement mon album
préféré, il y a cette dynamique, une véritable
sincérité que j’aime vraiment beaucoup. Je pense
que jusqu’à cet album, c’est une sincérité
que je n’avais jamais réussie à atteindre. Il
y a quelque chose, en particulier dans “People are Like Seasons”
qui fait que c’est vraiment un album sincère, sur tous
les plans : la musique, les paroles, les différents styles
de musique, les différentes structures, tout est très
sincère. Pour ce qui est des paroles, je me suis vraiment
ouvert plus que sur aucun de mes précédents albums,
juste en acceptant le fait que je n’étais pas le centre
de l’univers et que j’ai réellement une influence
sur les gens qui m’entourent. Très souvent, je reconnais
que ce n’est pas une bonne influence, en particulier pour
les gens que j’aime, j’ai tendance à leur faire
du mal et à travers cet album, j’accepte tout cela
et j’essaie dans un sens, non pas de m’excuser pour
ça mais plutôt de l’accepter et de réparer
un peu les dégâts et le mal que j’ai fait aux
gens.
“If a Change Gonna Come” a un son très
rock. Est-ce, comme pour le titre, une sorte d’évolution
pour Sophia ?
Oui et non. En fait, je pense que pour les fans de
Sophia, “If a Change Gonna Come” est une façon
de les tester, c’était une sorte de défi pour
voir comment les gens réagiraient en l’écoutant.
Je me souviens que quand nous la répétions, nous nous
disions que nous ne pouvions pas mettre cette chanson sur l’album,
ça n’a rien à voir avec Sophia. Mais le fait
est qu’avec cet album, j’avais finalement décidé
de dire aux gens ce qu’était réellement Sophia.
Les gens avaient une idée de ce qu’était Sophia
jusqu’alors et j’ai toujours su ce que Sophia était,
tu vois ce que je veux dire ? Sophia a juste été un
moyen pour moi d’exprimer ce que je ressentais à un
moment donné et si ça a toujours été
plus ou moins acoustique, c’est que c’est comme ça
que je ressentais les choses à l’époque alors
que maintenant j’en suis arrivé à un point où
je ne ressens pas ça tout le temps. Cette chanson est donc
autant du Sophia que tout ce que j’ai écrit jusqu’à
maintenant, c’est moi quoi. Mais j’avoue que c’était
un défi, j’essaie de défier l’idée
que les gens se font de Sophia. Je suis sûr qu’il va
y avoir beaucoup de fans pour qui c’est la moins bonne chanson
de l’album mais je le répète, je suis sûr
qu’il y a beaucoup de fans qui n’ont pas compris à
quel point nous aimions cette chanson, au point que nous la jouerons
en concert (rires).
Sophia a commencé comme un projet en plus
de votre propre label Flowershop. Quand est-ce que ce projet est
devenu plus sérieux pour vous ?
D’une certaine façon, je dirais que ça
a commencé à devenir plus sérieux après
“De Nachten”, quand j’avais le sentiment d’avoir
atteint un autre niveau dans l’écriture des chansons,
les performances de Sophia sur scène et mes liens émotionnels
à tout ça et ce que j’exprimais aux gens. Je
pense aussi qu’une fois l’album fini, je me suis demandé
ce que j’allais en faire. J’ai alors commencé
à parler avec City Slang et d’autres labels et j’ai
finalement réalisé que je ne sais pas combien d’albums
de Sophia je vais encore sortir. C’est peut-être le
dernier, qui sait? Serai-je assez inspiré pour en écrire
un autre, je n’en suis pas si sûr. Le fait est que je
savais que j’avais enfin écrit un album qui résumait
parfaitement la façon dont je me voyais musicalement. Et
je me suis dit que si je devais un jour commencer à renoncer
à avoir le contrôle sur tout, renoncer à toutes
ces responsabilités, c’était le moment ou jamais.
Je n’ai pas écrit cet album avec comme objectif de
me faire signer. J’ai juste écrit cet album comme s’il
allait sortir sur Flowershop. Je l’ai enregistré et
mixé comme tous les autres albums qui sortent sur mon label.
Mais je pense que cette liberté m’a permis de créer
tout ce que je voulais créer. C’est pour cela que les
gens se sont mis à regarder cet album d’un autre œil
et je pense que j’aimerais ne pas tout faire moi-même,
pour ainsi pouvoir apprécier cette expérience que
je vis avec Sophia plutôt que d’être juste Sophia.
Avec votre label le Flowershop, trouvez-vous le
temps de vous asseoir pour écouter de la musique ?
Oui…En fait, pendant l’enregistrement
de cet album, j’ai loué une voiture qui possédait
un lecteur CD et je dirais que j’ai probablement plus écouté
de musique cette année que pendant les 5 dernières
années réunies. J’écoutais de la musique
à longueur de temps. Tu sais, le Flowershop est plutôt
un label pour mes amis. Tous les groupes avec lesquels je travaille
sont des gens que j’ai rencontrés par l’intermédiaire
de potes, c’est comme ça que les relations se créent.
Le Flowershop était un assez petit label au début.
Quand j’ai lancé ce label, je faisais encore partie
des God Machine et nous étions signés sur Polygram.
C’était un petit label et le but était de faire
jouer les groupes pour qu’un mois après, ils aient
un album à mettre en vente dans les magasins. Le label a
grandi petit à petit…mais il est toujours petit (rires).
On va dire que c’est plus un stand qui vend quelques fleurs
sur un trottoir qu’un vrai fleuriste (rires). Non mais sinon,
j’écoute effectivement beaucoup de musique, j’en
écoute même beaucoup plus qu’avant.
Vous disiez que l’époque de the God
Machine était certainement la période de votre vie
dont vous êtes le plus fier. Pourriez-vous expliquer un peu
?
En fait, je dois avouer que les choses ont changé
à présent. Je dirais que ce que j’ai accompli
avec Sophia maintenant, les relations que j’ai développées
avec les gens que j’ai rencontré grâce à
Sophia, tout cela fait que ce n’est plus comparable à
ce que j’ai vécu avec the God Machine. Avec the God
Machine, nous avons traversé beaucoup d’épreuves
et vécu beaucoup de choses Austin, Jimmy et moi-même.
A l’époque, c’était plutôt nous
trois contre le reste du monde, c’est comme ça que
nous étions et c’est comme ça qu’on était
avec les gens. Mais maintenant, avec Sophia, c’est très
bizarre. J’ai l’impression que c’est moi et les
fans de Sophia contre le reste du monde, c’est comme une famille
pour moi. Il y a des gens que je connais qui ont commencé
à sortir ensemble au moment de la sortie du premier album,
ils étaient mariés quand le deuxième album
est sorti puis ils ont eu des enfants. Je connais ces gens depuis
tout ce temps. Partout où je vais, je fais des interviews
avec des gens que j’ai déjà rencontrés
trois ou quatre fois, des gens que je connaissais déjà
quand je faisais encore partie de the God Machine. J’ai l’impression
que ce que j’ai accompli prouve qu’il est possible de
s’en sortir tout seul mais qu’on a besoin du soutien
de gens qui croient en notre musique. C’est ce que j’ai
remarqué, en particulier pour « De Nachten ».
Juste après la sortie de cet album, nous avions fait une
tournée acoustique et le soutien que j’ai eu du public
de Sophia à l’époque était fantastique.
Ca faisait près d’un an et demi que nous n’avions
rien fait et la réponse du public, cette gratitude dont ils
ont fait preuve, c’était merveilleux, vraiment.
Pensez-vous que des gens qui viennent parfois vous
voir en concert espèrent voir et retrouver les God machine
?
Je pense que Sophia existe depuis assez longtemps,
depuis 6 ou 7 ans en fait, pour que les gens aient conscience que
Sophia n’est pas the God Machine. Ce n’est peut-être
pas dû à une meilleure distribution de nos albums,
je pense que c’est plutôt lié au fait qu’il
y a un marché plus important derrière tout ça,
qu’il y a plus de gens impliqués dans la promotion
de nos albums. Je pense qu’il y a plus de gens comme ça
maintenant et j’espère que les gens ne s’attendent
pas à revoir the God Machine car ça n’arrivera.
J’espère aussi que ces gens viendront et qu’une
fois qu’ils nous auront vus, ils comprendront que la personne
derrière la musique est la même, la sensibilité
est la même. Comme je l’ai dit tout à l’heure,
il y avait des gens au début qui venaient nous voir en concert
en espérant voir les God Machine, beaucoup d’entre
eux sont repartis déçus. D’un autre côté,
il y en avait quelques uns qui étaient très contents
de voir la personne qui était à l’origine de
cette musique, une personne qui était importante pour eux
et qui continuait à faire de la musique dont le noyau était
toujours le même : une musique qui venait toujours de mon
cœur et qui avait toujours cette même sincérité.
Et quelques-unes de ces personnes me suivent depuis le début,
depuis qu’ils ont entendu Sophia.
Une de mes chansons préférées
est “SO SLOW”. Est-ce une chanson autobiographique ?
Tout à fait. Toute la musique de Sophia est
autobiographique et cette chanson plus particulièrement.
C’était la première chanson que j’ai écrite
après le décès de Jimmy, le bassiste de the
God Machine. Il a fallu attendre environ un an avant que je puisse
rejouer d’un instrument. Austin avait vendu tout notre matériel
et nos instruments après le décès de Jimmy.
Tu sais, le groupe était mort, je ne faisais plus de musique,
j’avais commencé à concentrer toute mon attention
sur Flowershop, et à produire des disques. Je n’avais
même plus de guitare. Et « So Slow » fut donc
la première chanson que j’ai écrite après
le décès de Jimmy, c’était aussi la première
chanson qui m’a fait prendre conscience que je me servais
de la musique pour surmonter les épreuves difficiles. Ca
m’a permis de comprendre le sentiment de culpabilité
que je ressentais par rapport au décès de Jimmy, comprendre
cette souffrance. Il a fallu que je mette de l’ordre dans
mes sentiments, ça m’a permis de tirer un trait sur
the God Machine et continuer à grandir. Extérieurement,
pour les gens qui m’entouraient, je n’avais pas l’air
si négatif que ça, j’essayais au contraire d’être
positif et sociable mais en réalité, intérieurement,
j’étais très négatif, très triste
et très malheureux à cause de tout ce qui se passait
dans ma vie. Quand Jimmy est parti, je trouvais ça injuste…C’était
quelqu’un de toujours très positif, quelqu’un
d’absolument merveilleux, pourquoi quelqu’un comme lui
devait décéder de cette façon alors que moi
j’étais toujours là, pourquoi ? C’est
de ça que parle cette chanson, de la nécessité
d’accepter le fait que ce sont des choses qui arrivent, il
faut juste essayer de retirer les bons côtés de ces
mauvaises expériences et de continuer à vivre avec
ça plutôt que de retenir que les mauvais côtés
et se morfondre.
Si tu devais résumer ta musique en
trois mots, quels seraient-ils ?
Hmm…NE-PAS-SAVOIR (rires).
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