Pas vraiment échappée de Midget ! (les magnifiques Lumière d’en bas en 2012 et Bois & Charbon en 2014) puisque Mocke est toujours présent à la guitare, Claire Vailler nous offre un disque, chez Wild Silence, presque en solitaire, puisqu’au guitariste funambulisme il faut ajouter Valérie Leclercq (Half Asleep) au rang des featuring.
Disons-le tout de suite, un disque d’une terrible beauté. Mais une beauté fragile, venimeuse. Du blues, du folk abimé, du cabaret sauvage ou encore de la bossa, de larges et surtout de très belles mélodies tendues sur des cordes de résonnances. Transbluency "provient d’une légère déformation d'un morceau de Duke Ellington qui s'appelle "Transblucency", et parce que cette vision évoquant la transparence bleue me parlait, faisait écho à la manière dont je ressens ma musique" explique Claire Vailler. Ce disque serait un croisement entre Duke Ellington et Yves Klein ? Et pourquoi pas ?
Bien que lui étant antérieur, au moins pour une partie de sa conception, l’univers de Midget ! n’est pas si loin. On retrouve cette musique quasiment en apesanteur, si aérienne que l’on aurait presque du mal à l’attraper, ces dissonances, ces mélodies renversantes qui font le miel du duo. Dans ce Transbluency, la lumière pénétrante que dégagent ces chansons semble passer comme un envoûtement à travers le prisme de vitraux Chagallien. Claire Vailler nous emmène loin, très loin, comme embarqué sur une mer (ces mélismes, ces crescendos et décrescendos, ces effets de vagues à la voix) pas si calme que cela. Une démarche esthétique qui pourrait rappeler par exemple Debussy et ses trois chansons de Charles d’Orléans (surtout Dieu ! qu’il la fait bon regarder), Claire Vailler s’attaquant ici plutôt à Emily Dickinson, Emily Brontë ou Thomas Hardy. La présence d’Amiri Baraka aurait été rigolote…
Transbluency suscite l'intérêt, aiguise la curiosité, reflète une conception presque contrapuntique moderne, si plein d'un lyrisme étrange, presque un psychédélisme, pénétrant et raffiné, même lorsque la déclamation est à peine visible et semble tomber dans le silence. Nous pourrions facilement y déceler de l’onirisme poétique, quelques accords légèrement distordus y aidant, un goût pour l’aventure, une ivresse. La réalité s’efface, il y a évaporation. Transbluency est définitivement un disque lumineux, à ne pas mettre entre toutes les mains ! Il pourrait vous rendre accro et remettre en question votre conception de la musique de qualité !
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