Comédie dramatique de Georg Büchner, mise en scène de Eram Sobhani, avec Stéphane Auvray-Nauroy, Laura Clauzel, Romain Darrieu, Michèle Harfaut, Julien Kosellek, Edouard Liotard, Yuta Masuda, Sophie Mourousi et Cédric Orain.
Mort à 25 ans du typhus, le dramaturge allemand Georg Büchner n'a eu le temps d'écrire que trois pièces. Si "La Mort de Danton" et "Woyzeck", considérés comme des chefs-d'oeuvres, sont souvent jouées, "Léonce et Léna" est une pièce moins connue et ne jouit pas de la même réputation.
Délibérément imprégnée par l'esprit romantique, elle n'est pas sans correspondance avec l'univers du "Fantasio" d'Alfred de Musset, œuvre écrite deux ans auparavant. Son héros principal, le prince Léonce, ressent ce mal de vivre qui frappe la génération 1830.
Confronté au vide existentiel, tenté par le suicide, fasciné par la mort et la déchéance, il reste un enfant qui ne veut pas grandir pour ne pas se confronter aux mensonges du monde et craignant d'être corrompu par eux. Promis au pouvoir, il tente de le fuir pour ne pas devoir l'exercer et se plier à un ordre social bien loin de ses aspirations et de ses idéaux.
Dans son adaptation et sa mise en scène, Eram Sobhani a bien vu la parenté entre Musset et Büchner, son prince Léonce est très proche des personnages de Musset attirés par le gouffre et s'amusant à ses alentours, mais par trop velléitaire pour y sauter et toujours plus dans l'imprécation que dans l'action.
Au lieu de suivre le canevas finalement très simple de la pièce de Buchner, Eram Sobhani éparpille le récit en saynètes ponctuées de musiques et de chansons. Les personnages jouent leurs partitions sur des registres et des tons différents. On chuchote, on crie, on pratique souvent l'auto-dérision ou l'on en revient parfois au littéral du texte.
Entre chorale et collage, se dessine peu à peu quelque chose qui prend sens. Ce qui paraît parfois heurté gagne finalement en cohérence.
Le message est simple : profiter du texte de Büchner pour dire et montrer des acteurs heureux d'être en action, même s'il s'agit de tâter de la guitare électrique ou chantonner en allemand "Qui peut dire où vont les fleurs ?". C'est une polyphonie qui est proposée comme vision d'un monde dialectique où Léonce et Léna se trouvent alors qu'ils croyaient se fuir.
Il ne faudra surtout pas juger le résultat obtenu par Eram Sobhani à l'aune de la fidélité au texte de Büchner, un texte finalement mineur bourré de tics romantiques.
On appréciera son savoir-faire, les talents multiples de ses comédiens et l'on se laissera emporter par cette variation théâtrale réussie, même si on aurait préféré voir ce que cette relecture moderne aurait pu apporter si elle s'était appuyée sur un texte plus solide de Büchner, comme "Woyzeck" ou "La Mort de Danton". |