Spectacle conçu et mis en scène par Nathalie Ganem avec Nathalie Ganem et Brice Ournac.
La nature et la réalité de la tumultueuse liaison de Alfred de Musset et George Sand, inscrite dans l'inconscient collectif comme figure de l'amour romantique, peuvent être appréciées à l'aune de leur correspondance, soigneusement réunie et conservée par cette dernière en vue d'une publication posthume.
La comédienne et metteuse en scène Nathalie Ganem a puisé de manière éclairée dans ce corpus comportant près de deux centaines de lettres dont les premières, unilatérales, émanent de Musset, à qui revient l'initiative, faisant sa cour.
Les suivantes, postérieures à leur rupture intervenue lors d'un séjour en Italie et, fort paradoxalement, à Venise, la ville des amants, qui sonne le glas d'une embellie qui n'a duré que quelques mois, et dont le contenu écorne la légende, retracent ce qui fut un amour doublement impossible.
En premier lieu, en raison certainement de la différence des âges et de l'opposition des caractères, entre "la Cybèle du Berry*" dépourvue de tempérament d'amoureuse mais toute en sollicitude maternelle qui ne peut aimer qu'en soignant sans toutefois que cela ne perturbe son travail d'écriture, et "le Page éternel*", le poète dandy qui veut devenir un homme à la faveur d'un grand amour.
Ensuite, et peut-être essentiellement, car ils sont entraînés dans un vain dessein commun, au demeurant plus intellectuel que passionnel, ressortant à une utopie afférente à la confusion des genres : la réunion d'âmes soeurs pour un compagnonnage littéraire et, par ailleurs, pseudo-incestueux car unies par un lien tant filial que fraternel, George Sand, dans sa période de travestissement en homme, faisant figure de mère, de frère et d'ami.
Un décor de cabinet de travail élaboré par Dorothée Laforêt soutient la mise en scène efficace de Nathalie Ganem qui a su lever les difficultés majeures de staticité et d'artificialité inhérentes à la transposition théâtrale du genre épistolaire notamment par une alternance de soliloques et scènes dialoguées rendue possible par sa sélection judicieuse.
Au jeu, sans céder à la dramatisation démonstrative, les deux officiants - Nathalie Ganem, dans le désarroi douloureux et raisonnant, et Brice Ournac, dans l'exaltation fiévreuse - ont trouvé le ton juste et délivrent ainsi, avec "George Sand & Musset - Correspondance amoureuse", une très réussie partition à deux voix. |