Spectacle conçu par Emmanuel Bex et David Lescot, mise en scène de David Lescot, avec Emmanuel Bex, Elise Caron, Simon Goubert, Mike Ladd, Géraldine Laurent et David Lescot.
Il est toujours utile et salutaire de rappeler comme le fait David Lescot dans "La Chose commune" que plus de 20 000 Parisiens ont été massacrés en 1871 par les troupes "versaillaises". Le sang du Paris populaire et rebelle a coulé par la volonté de Monsieur Thiers et de Monsieur Ferry. Mais déjà, en prononçant ses noms, on s'éloigne de la version maniérée et peu politique que donne David Lescot de la Commune dans sa "comédie musicale". Une "Commune" devenue une "Chose commune", où la majuscule est, ce n'est peut-être pas un hasard, sur "Chose" et pas sur "commune"... Si l'on était anachronique, et dans l'air du temps, on dirait que cette "Commune" revisitée est plus "en marche" qu' "insoumise". David Lescot et Emmanuel Bex l'ont d'ailleurs voulu plus "jazzie" que chanson française (au point d'ailleurs d'y avoir incorporé un slameur américain), plus expressionniste que réaliste, plus cause perdue romantique qu'espoir pour les luttes prolétaires à venir. Même si on y chante "La Canaille" et que l'on y proclame qu'évidemment "j'en suis !", ce sont les défaites à venir des révolutionnaires dont on se délecterait presque. David Lescot dit - et bien - des textes de Jules Vallès et de Louise Michel. Il fait chanter Rimbaud qu'une légende tenace veut communard à Elise Caron. Mais il ne sera point question de ces textes enflammés anonymes qui, justement, font de la "Commune" autre chose qu'une "Chose commune". Si l'on en reste au spectacle musical proposé, les inconditionnels d'Emmanuel Bex trouveront l'occasion d'apprécier sa musique et son jeu, comme ils salueront la performance du batteur Simon Goubert et la science virtuose du saxo de Géraldine Laurent. On sera moins convaincu par Elise Caron dont les chansons aux réminiscences gainsbouriennes, riches d'échos à la Kurt Weill, n'ont pas la force espérée, et par Mike Ladd qu'on définira moins comme un "rappeur blanc" que comme un élève très appliqué dans la lignée du grand Tom Waits. On répètera que la proposition de David Lescot et d'Emmanuel Bex n'est pas à dédaigner en s'interrogeant sur son opportunité. Dans "Les Producteurs", Mel Brooks imaginait un auteur tordu qui inventait une comédie musicale sur la vie d'Hitler. Pourrait-on pareillement transposer Roméo et Juliette au Rwanda et faire des amants de Vérone un Hutu et une Tutsi ? On se doute que la réponse est "non". Dès lors, on se dit que la Commune, page maltraitée de l'Histoire de France, mériterait d'abord une grande œuvre "sérieuse", à l'instar de ce que seul Peter Watkins a fait sur le sujet, plutôt que ce spectacle très cool et très décontracté. |