Drame de Vctor Hugo, mise en scène de Raymond Acquaviva, avec Lina Aucher, Tiphaine Riou, Delphine Chatelin, Nathalie Gauffre, Quentin Zommer, Dylan Perrot, Guillaume Lauro Lillo, Julien Jaulin Quentin Cantegrel et Alexis Béranger.
Selon les choix du metteur en scène, "Ruy Blas" de Victor Hugo, emblématique drame romantique, oscille souvent entre le "tire-larmes" mélodramatique de l'amour tragique du "vers de terre amoureux d'une étoile" et le brulôt politique dénonçant l'intemporel régime oligarchique.
De fait, l'opus combine les deux tout comme Victor Hugo, poète écrivain et dramaturge, érige une ode à l'amour, sentiment puissant capable de tout transcender et sublimer, et Victor Hugo, député et chantre du peuple, fait du personnage-titre le porte-parole de son manifeste politique.
Ce, en renversant les codes du conte de fées dans lequel l'amour entre le prince et la bergère connaît un heureux dénouement que Victor Hugo transforme en drame cruel car la reine n'épousera pas le laquais d'un grand du royaume rancunier qui, pour se venger d'une sentence, l'instrumentalise pour l'avilir et la déconsidérer.
Et le drame hugolien fait fi de l'académique séparation des genres ainsi qu'il l'énonce dans sa préface à cette oeuvre en considérant le drame comme procédant de la combinaison de "la tragédie par la peinture des passions" et de "la comédie par la peinture des caractères".
Ce dont rend parfaitement compte la mise en scène de Raymond Acquiviva, nonobstant le resserrement sans dommage de la partition et du générique, car sans réécriture du texte portant atteinte à la splendeur de la langue, et conservant les cinq actes aux tonalités théâtrales scandés par les intermèdes musicaux composés par Bruno Mégara.
Elle s'inscrit dans une approche affranchie des excès du pathos tragique pour le jeu comme de l'ethos romantique ainsi au plan scénographique avec un sobre dispositif scénographique, quelques éléments mobiliers et la projection en fond de scène d'images de pièces d'apparat, les costumes de l'époque du Siècle d'or espagnol revisités par Margaux Lopez et les intermèdes musicaux de Bruno Mégara.
Et avec la judicieuse scène introduite par la fameuse tirade du "Bon appétit messieurs" fustigeant les turpitudes des puissants pour laquelle les ministres n'apparaissent pas sur scène mais sur écran en vidéo style visioconférence qui résonne avec la politique spectacle contemporaine.
Raymond Acquaviva dirige des comédiens issus de son cours, avec une distribution émérite et cohérente en termes d'emplois, confrontés au rythme métrique de l'alexandrin qui demeure patent chez certains et une scansion plus déliée chez d'autres.
Dylan Perrot campe le dangereux fomenteur, Alexis Béranger et Quentin Cantegrel des hommes de main.Tiphaine Riou, Delphine Chatelin et Nathalie Gauffre, respectivement la suivante, la camériste en chef et la duègne, composent l'aéropage de la reine.
Nathalie Gauffre en sémillante entremetteuse, Julien Jaulin en noble amoureux transi avec sa tenue aux couleurs chamallow et Guillaume Lauro Lillo en truculent et désinvolte bouffon assurent avec pétulance et vivacité les scènes de comédie.
Face à la brunitude ibérique, un couple blond avec un superbe duo qui maîtrise la dualité de jeu inhérente à la situation de leur personnage : Lina Aucher, femme délaissée en quête d'amour et reine moderne par sa rebellion contre le protocole qui évoque un proto-féminisme contre les assignations liberticides, et dans le rôle-titre Quentin Zommer aussi tendre amant que fougueux champion de la réformation de l'Etat pour la grandeur de l'Etat et le bien du peuple. |