Comédie
de Philippe Adrien, mise en scène de Thomas Derichebourg,
avec Anne Agbadou-Masson, Julien Cigana, Thomas Derichebourg,
Alexandra Fournier, Elsa Imbert et Guillaume Toucas.
Cocasse, burlesque, intriguant, étrange, inquiétant,
"Albert 1er", texte
de jeunesse du metteur en scène et directeur de théâtre
Philippe Adrien, dynamite les certitudes,
brouille les identités et entraîne ses personnages
comme les spectateurs dans une spirale infernale à partir
de faits ordinaires et quotidiens.
Un homme dans un appartement à sa toilette, une femme
qui sonne pour venir rejoindre celui qu'on pense être
le colocataire et qui est absent. Et puis tout dérape.
S'instaure alors imperceptiblement un jeu psychodramatique mené
par l'homme, personnage étrange à la personnalité
insaisissable.
Toutes les personnes qui vont converger dans cet appartement-toile
d'araignée sont piégées par ce trublion
bipolaire, vampire polymorphe qui s'insinue dans l'empreinte
en creux de ses interlocuteurs, pressentant leurs faiblesses
et leurs failles pulsionnelles, qui use de tous les registres,
de la séduction à la violence en passant par la
manipulation, pour les dominer et assouvir ses propres fantasmes.
Thomas Derichebourg, qui réussit
la performance d'être au four et au moulin, il assure
la mise en scène et joue le rôle principal, partition
magistrale qui lui permet de sévir dans tous les registres
avec une maestria folle (sic), imprime à ce spectacle
un rythme frénétique qui va crescendo jusqu'à
ce que le spectateur entende le mot "jeu" et croit
avoir compris. Fatale erreur ! Il s'agit là encore d'une
fausse piste qui renforce le caractère labyrinthique
de l'entreprise. Et c'est du côté du symbolisme
du labyrinthe qu'il faut peut être, et sans doute, chercher
la clé d'interprétation.
Dans cet univers farcesque de psychopathes en totale liberté,
à moins qu'il ne s'agisse de comédiens en représentation,
à moins que ce ne soient les mêmes, Thomas Derichebourg,
incontestable maître du jeu, se taille la part du lion.
Face à Anne Agbadou-Masson, Julien Cigana, Guillaume
Toucas, Alexandra Fournier et Elsa Imbert, vue tout récemment
dans une sphère théâtrale diamétralement
opposée dans "En quête de bonheur" à
la Maison de la Poésie, qui jouent bien la sidération.
C'est extrêmement jouissif, iconoclaste, drôlissime,
roboratif et totalement inclassable.
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