Comédie
dramatique écrite et mise en scène par Joël
Pommerat, avec Jacob Ahrend, Saadia Bentaïeb, Agnès
Berthon, Gilbert Beugniot, Serge Larivière, Frédéric
Laurent, Ruth Olaizola et Dominique Tack.
La première surprise pour le spectateur, avant même
que la pièce ne débute, provient de la scénographie
d'Eric Soyer. Le mur derrière la scène de la salle
des Bouffes du Nord a été ouvert et des estrades
montées en arc de cercle afin que les comédiens
évoluent au milieu des spectateurs, comme au milieu d'une
arène.
Ensuite la mise en scène de Joël
Pommerat privilégie pour le décor une architecture
d'ombres et de lumières à l'utilisation d'accessoires.
Ainsi les personnages évoluent sur des chemins de lumineux
ou dans des territoire délimités par la lumière.
Les quelques accessoires utilisés sont des chaises, une
table, qui apparaissent et disparaissent en toute discrétion,
mais aussi un lustre, un brasero et une boule à facettes
objets destinés à projeter ou à refléter
la lumière.
Selon que le spectateur est assis à un des endroits
de la salle ou à un autre, il ne percevra pas exactement
la scène de la même manière. Cependant Joël
Pommerat ne joue pas de cette possibilité pour créer
plusieurs entrées à sa pièce, comme avaient
pu par exemple le faire Grand Magasin dans "Voyez-vous
ce que je vois ?", mais utilise le cercle complet de la
scène pour donner symboliquement à son propos
une valeur qui veut tendre à l'universel.
Par la petite histoire, celle de sa famille, des histoires
qu'on a pu lui raconter d'un lointain passé familial
et qui s'entrecroisent sur scène, il cherche à
exprimer quelques-une de ses vérités. Ainsi s'entrechoquent,
sans logique apparente, les extraits de plusieurs histoires
à travers les siècles. Le quotidien d'une famille
bourgeoise qui souhaite traiter ses domestiques selon les préceptes
d'une modernité socialiste, le self-made man qui n'obéit
qu'aux lois de l'argent, le chevalier espagnol qui agit aux
ordres de l'Église, un vendeur en porte-à-porte
proposant une méthode de réalisation par soi-même,
un homme qui fait appel à la pensée magique pour
obtenir le décès de ses supérieurs hiérarchiques
et monter dans l'organigramme, un valet qui souhaite aller à
la guerre au nom des valeurs de la Nation...
Or, bien qu'obéissant à des "lois"
supérieures qui changent et évoluent selon les
époques ou l'extraction sociale des personnages, tous
se retrouvent à un moment de leur histoire face à
un dilemme, alors que toutes ces lois ou préceptes devraient
permettre de mener sa vie, sans heurt, en modifiant la perception
de la réalité. Même si par la science, l'homme
attend des réponses sur l'origine de l'univers, en utilisant
une machine, le LHC, en forme d'anneau, afin de faire s'entrechoquer
les particules et avoir ainsi des explications au mystère
de la vie, au quotidien la vie d'un homme ne se déroule
pas sans accident.
On reprochera à cette pièce une sonorisation
des voix qui donne en rendu un son désincarné.
Mais ceci ne nuit pas au spectacle dont la force réside
dans la poésie qui se dégage de ces scènes
à la fois indépendantes les unes des autres et
pourtant enchevêtrées dans lequel le spectateur
doit accepter de se laisser perdre, des moyens techniques mis
au service de la lumière d'Eric Soyer pour créer
un entre chien et loup presque permanent qui entoure les protagonistes
avec son cortège d'inconnu et d'angoisse, et des comédiens,
tous magnifiques, qui chacun tiennent plusieurs rôles. |