Comédie dramatique de Christian Morel de Sarcus, mise en scène et interprétée par Antoinette Guédy et Christian Morel de Sarcus.
Sur le plateau, un homme, une femme. Entre eux, un meurtre et un divorce. Elle, assise de dos, chanteuse sur le retour à la longue chevelure platine, attend d'entrer en scène pour un ultime récital. Lui, en tenue de smoking, annonce qu'il a tué sa femme qui voulait divorcer.
Avec "Divorcer tue", Christian Morel de Sarcus signe une pièce autofictionnelle qui ne ressortit ni au docu-fiction, ni à la rhétorique sur un phénomène de société, ni au huis-clos conjugal, mais au biodrame, qu'il a également décliné dans la variation plus développée de "La nuit dernière", celui d'un écrivain blessé à mort bien loin de la résilience ("divorcer me tue") et qui est catharsisé par le processus de l'écriture.
Catholique austère, qui prend toutefois des libertés avec les dogmes tenant à la fidélité et la sexualité, il s'est marié pour avoir des enfants et le voilà face à une paternité volée, tombant sous les coups de boutoir du féminisme et de l'égalité des sexes ("crime contre l'humanité et le chatoiement des nuances"), dépossédé par une épouse scélérate qui règle ses comptes par enfants interposés ("le divorce, champ de mines où l’on envoie les enfants devant"), soutenue par une "jugesse" aux affaires matrimoniales partiale. Alors dire, fulminer, crier pour faire advenir une douleur sans espoir d'exorcisme.
Christian Morel de Sarcus a écrit une partition délicate à la fois littéraire, qui joue au funambule sur une lame de rasoir, et dramatique qui déroute le spectateur en jouant de l'ambiguïté, celle de la réalité et de la fiction, ainsi, homicide passionnel ou meurtre symbolique, et de la provocation avec le sens du mot juste et de la formule qui fait mouche.
Antoinette Guedy incarne la vieille maîtresse, une figure récurrente dans l'inframonde sarcusien que l'on retrouve notamment, comme celle du jeune homme qui se dérobe, dans le dernier roman en date de l'auteur ("L'autre joug") qui est aussi la figure de la femme-matrice intemporelle.
Et c'est Christian Morel de Sarcus lui-même qui interprète somptueusement cet oratorio pour un homme trahi, perdu, à la dérive. |