Bertrand Betsch n'a jamais cherché la facilité. Encore une fois, ce n'est pas avec La nuit nous appartient qu'il renoncera à ce qui rend ses disques si chers au cœur d'une poignée de fans.
L'auteur compositeur interprète de l'album La Soupe à la Grimace bénéficie du soutien sans faille d'une poignée d'aficionados depuis qu'il a commencé sa carrière. C'était à la fin des années 90 sur Lithium, ses voisins de label s'appelaient Dominique A, Holden, Diabologum, Françoiz Breut et Mendelson entre autres, des artistes qui, encore aujourd'hui voire surtout aujourd'hui, comptent dans le paysage rock et chanson de l'hexagone. Après être passé sur plusieurs labels, Bertrand Betsch officie désormais sur le sien, 3h50. En quatre années, il sort cinq albums, dont le dernier en date, La nuit nous appartient, un double-album de vingt-six titres. C'est ce qu'on appelle le panache. C'est bon de retrouver si rapidement ce chanteur dont on guettait, lorsqu'il était chez PIAS ou chez Delabel, les inédits qu'il distribuait généreusement via son site personnel.
Espérons que La nuit nous appartient rencontre enfin un public en accord avec le talent de son interprète, car ce disque a tous les atouts pour enthousiasmer autant l'amateur de chanson française que le chercheur de pépites pop.
Malgré un format double-album en complet décalage avec notre époque de zapping forcené, Bertrand Betsch accroche l'auditeur dès la première écoute. Il faut dire qu'il sait composer des tubes immédiats : une mélodie qu'on retient, des formules qui claquent. Sur le premier disque, il enchaîne les morceaux dans lesquels quelques mots bien choisis se répètent, et créent un effet de familiarité instantanée. Parmi celles-ci, "J'aimerais que tu me dises", "Amour", "Le moulin de la mémoire", "Je ne fais que passer"...
La poésie de Betsch est riche d'images, de mots légèrement surannés. Les thèmes qu'il aborde ont évolué avec le temps. Certes, le ton général reste sombre (le splendide "Encore un jour sur la Terre", "Parce que") mais des lueurs apparaissent par endroit : "Et la nuit est là" (malgré son ouverture à la batterie qui rappelle le "Atrocity Exhibition" de Joy Division avant de s'orienter vers une mélodie bien plus légère), "La puissance de l'espoir" ou "Sous la peau".
Ce disque reste à hauteur d'homme, avec ses faiblesses qui côtoient ses envolées. Certaines chansons peuvent sembler ne servir qu'à mettre en valeur les suivantes, ou certaines compos parfois un peu fauchées, mais tant de véritables perles sombres, chantées d'une voix comme ensablée, attendent seulement qu'on vienne les ramasser que ce disque s'imposera certainement, au fil du temps, comme un de ceux qui auront marqué cette année 2013 qui s'achève. |