Mais qu’est-ce qui lui a pris… me direz-vous ? Quelle mouche l’a piqué ? Mais quoi donc ? Mais quoi se passe-t-il dans Fuck The Hell Yeah !... ? Une flopée d’onomatopées passera dans un premier temps le long de vos lèvres alanguies, puis vous trifouillerez un peu partout pour trouver la pochette de ce CD égaré, et tomberez nez à nez avec Robert Le Magnifique.
Sorte de Guillaume le Conquérant de la musique expérimentale, de Joséphine de Beauharnais de l’élégance, il est le syndrome de la Tourette du palimpseste auditif… Robert le Magnifique, un magicien du quotidien, un Don Quichotte décelant l’harmonie dans le vacarme. Un génie visionnaire qui dérange ou qui séduit, mais qui ne laisse pas indifférent.
L’album est un savant assemblage de sons picorés de-ci de-là et associés en plages sonores, avec le sable qui file entre le marteau et l’enclume du canal carpien de vos orteils croisés. Si si, je vous assure, particulièrement unique comme sensation. Le génie a trouvé le juste équilibre, pile poil au bord du gouffre qui frise, à la frontière du grand n’importe quoi et de la trouvaille musicale.
Robert Le Magnifique a choisi d’illustrer Fuck the Hell Yeah ! de ce que nous nommons vulgairement "bruits" du quotidien, la chute d’un objet, le brouhaha des conversations, les affreuses bandes sonores des jeux d’arcade et les délicates notes d’un mobile pour bébé, tous ces sons que nous méprisons et redoutons (qui n’a jamais enlevé les piles du jeu du petit neveu pour qu’il arrête de couiner dans nos têtes).
Des tatatis, des tagadas, du tsoin-tsoin, du piano à deux touches, ce qui agace et exaspère, Le Magnifique en fait un gros gloubi-boulga sonore, exutoire à la pensée abstraite. Il nous emporte dans son univers psychédélique, où les murs sont tantôt miroirs, tantôt aveugles, quand le bas et le haut sont confus, que l’oreille interne ne comprend pas et doit céder la place aux autres sens… vos hémisphères se renvoyant l’information en saccades redondantes… jusqu’à atteindre le vertige et un soulèvement de conscience…
Et puis vous vous rendez compte que chaque titre a une histoire. D’abord à tâtons, le voyage vire extatique avant de devenir carrément lyrique… Il vous prendra des envies de tutoyer les météorites et de boire du suc de poireau, ou de tutoyer le poireau et de boire des météorites. De vivre de nouvelles expériences par tous les sens.
Robert Le Magnifique est un pléonasme d’artiste, il projette une vision nouvelle du quotidien sans pleurnicher ni se repentir, il fait tomber les barrières de la création musicale et nous transporte dans son monde. Fuck The Hell Yeah ! fait vibrer les sensations et trembler de nouvelles émotions dans nos corps blasés de solitaires entourés. Mieux que la MDMH et l’ecstasy réunis, je vous dis moi… et sans effet secondaire. Avec accoutumance…
Vous n’écouterez plus de la même façon votre stylo rouler sous la table, vous inventerez une histoire au battement du tambour de la machine… atteindrez-vous l’orgasme de l’étrier quand la pile de vaisselle s’effondrera ?