Opérette d'Albert Willemetz et André Messager, mise en scène de Sol Espeche, avec Matthias Deau, Jean-Baptiste Dumora, Clarisse Dalles, Christophe Gay, Philippe Brocard, Irina De Baghy, Guillaume Beaudoin, Mathieu Septier, Célian D’Auvigny, Maxime Le Gall accompagnés par l'Orchestre des Frivolités Parisiennes dirigé par Alexandra Cravero. La Compagnie Les Frivolités Parisiennes poursuit son exploration du répertoire lyrique de la Belle Epoque avec "Coups de roulis", une oeuvre sans doute moins connue bien que concoctée par un tandem notoire de bons faiseurs de ce temps.
En effet, cette opérette bénéficie de la verve humoristique d'Albert Willemetz pour le livret et les couplets et de la musique guillerette pour orchestre symphonique aux airs entêtants d'André Messager pour relater une suite de d'intrigues amoureuses mettant aux prises l'équipage d'un bateau militaire et d'inopinés passagers.
Et, en sus, sous ses airs de pure fantaisie, elle comporte une charge caustique contre la bande d'incompétents et d'amateurs de la députation et des attributaires de portefeuilles ministériels lors du énième gouvernement Poincaré au beau temps de la 3ème République qui, au demeurant, s'avère d'une édifiante résonance contemporaine.
En l'espèce, et dans une interprétation plus vraie que nature de Jean-Baptiste Dumora, un député baudruche figure-type de l'hypocrisie, de l'obséquiosité et du cynisme de surcroît d'une bêtise confondante, qui définit la richesse d'un pays par l'art de couper un sou en quatre pour dépenser des millions avec ce quart de sou (sic), vient expertiser les comptes d'un bateau militaire dans le cadre d'une politique d'austérité budgétaire (re-sic).
Sous les ordres du fringant commandant auquel Philippe Brocard apporte une prestance boulevardière, Maxime Le Gall, le commissaire aux comptes, Célian D’Auvigny, le médecin hypocondriaque, Matthias Deau le mignon, et Christophe Gay le joli coeur à la banane campent les offciers de l'état major et Guillaume Baudoin le cocasse et bout-en-train matelot mis à toutes les sauces.
Coté féminin, une blonde et une brune qui ne comptent pas pour des prunes et mènent la gent masculine par le bout du nez : la fi-fille très directive de son papa député délicieusement campée telle une proto-féministe succombant au coup de foudre délicieusement par la soprano Clarisse Dalles et la comédienne dramaqueen adepte de la promotion canapé incarnée de manière flamboyante par la pétulante mezzo-soprano Irina De Baghy.
Sous la direction émérite d'Alexandra Cravero, l'excellent Orchestre des Frivolités Parisiennes soutient les novations introduites par la mise en scène roborative de Sol Espèche qui accentue les caractéristiques de l'opérette à la française en y instillant des codes de la télénovela et du soap opera pour une recontextualisation dans l'Age d'or des séries télévisées étasuniennes des années 1980 telle "La croisière s'amuse (The Love Boat)" qui inspirent les costumes de Sabine Schlemmer.
Et, dans une scénographie d'Oria Puppo suggèrant simplement le bâtiment dans lequel se déroule principalement l'opus avec une structure métallique et deux passerelles, accompagnés par le Chœur des Frivolités* pour l'acte des festivités égyptiennes, toute la troupe de comédiens-chanteurs aussi efficace au chant qu'au jeu théâtral est également mise au pas de danse par la chorégraphe Aurélie Mouilhade dans d'ébouriffants chorus line décalés.
Avec en sus des inserts de fausses publicités anachroniques et d'inénarrables refrains - "Je suis le secrétaire de mon papa", "En amour, il n’est pas de grade, l’important c’est d’avoir vingt ans", "Quand on n’a pas le pied marin" - , le divertissement rondement mené fédère un public fort légitimement enthousiaste. |