Comédie dramatique de Jean Genet, mise en scène de Guillaume Clayssen, avec Aurélia Arto, Flore Lefebvre des Noëttes et Anne Le Guernec.
Affairées dans la chambre de Madame, en l’absence de celle-ci, Claire et Solange les deux bonnes jouent le rituel immuable d’une cérémonie où elles changent de rôles et sacrifient leur maitresse lors de cette mise en scène où pour quelques heures, elles s’échappent de leur condition.
"Les bonnes" est une pièce qui mélange les genres et offre de multiples pistes de mise en scène.
Pour cette version de la célèbre pièce de Jean Genet, le metteur en scène Guillaume Clayssen a opté pour un "baroque kitsch" assumé. Des projections et un microphone donnent aux deux femmes encore plus d’outrance à leur cérémonie, tandis qu’une sculpture d’une femme aux seins proéminents trône au fond de la scène. Le ton est donné.
Guillaume Clayssen ose le décalage et accentue le côté théâtral et grand-guignolesque de la pièce avec un duo percutant à la limite du clown qui met en évidence la monstruosité du texte et de ces sœurs qui vénèrent leur maîtresse autant qu’elles la haïssent. L’arrivée de Madame en perruque à la Marie-Antoinette et en déshabillé à l’armature de fer très Jean-Paul Gaultier ne fera que confirmer cette option. Néanmoins, leur face à face, entre cruauté et amour, touche à l’universel et nous trouble intensément
La scénographie et les costumes (superbe travail de Dephine Brouard) accentuant le côté étrange, mettent en avant la notion d’enfermement chère à Genet : corset métallique qui retient le corps de Madame, tandis que sous le lit des poupées en plastiques sont entourées de fils de fer. Le dispositif sonore, bien qu’un peu envahissant, est efficace. Les lumières soignées d’Eric Heinrich complètent avec habileté ce tableau et laissent libre cours à l’imaginaire de chacun.
L’interprétation est sans faille : Anne Le Guernec (expressive Claire, singeant avec délice le phrasé et les attitudes de sa patronne) et Flore Lefebvre des Noëttes (Solange, revêche mais non sans ironie) formant un duo original et complémentaire. Le metteur en scène a choisi de faire jouer Madame par une comédienne plus jeune, Aurélia Arto, qui captive par son côté "poupée cassée" et offre une interprétation forte et variée.
Plongé dans cette fantasmagorie qui casse le quatrième mur (le décor l’entourant, Madame arrivant de la salle), le spectateur est convié à un bien étrange moment, intime, poétique et monstrueux, qui ne le laissera en aucun cas indifférent. |