Spectacle conçu et mis en scène par Vlad Troitskyi d'après l'oeuvre de Nicolas Gogol, avec Anatolii Cherkov, Bartek Sozanski, Dmytro Iaroshenko, Dmytro Kostiumynskyi, Igor Postolov, Iryna Kovalenko, Marko Halanevych, Nataliia Halanevych, Nataliia Zozul, Nina Garenetska, Olena Tsybulska, Pierre-Antoine Dubey, Roman Iasinovskyi, Ruslana Khazipova, Solomiia Melnyk, Tetyana Vasylenko, Volodymyr Minenko et Vyshneva Kateryna.
Dans le cadre d’un projet polyptyque consacré à l’Ukraine mystique, qui comprend notamment le magistral "Roi Lear - Prologue" qui vient d’être présenté au Monfort Théâtre, le metteur en scène ukrainien Vlad Troitskyi propose "Viï - Le Roi Terre" une flamboyante transposition théâtrale d’une nouvelle fantastique et lunaire de Nicolas Gogol selon l’adaptation effectuée par le dramaturge russe Klim.
L'argument du voyage initiatique de deux hommes, celui en quête de la terre de ses ancêtres et de son identité profonde et celui qui l’accompagne qui va se trouver confronté à l’épreuve de la foi et du mystère de la vie autour de la mort d’une jeune femme, une jeune mariée désignée pour succéder à la sorcière, inspire Vlad Troitskyi pour traiter de l'âme archaïque de son pays-monde qui navigue, indique-t-il, "entre mythes païens des Carpates et évangiles apocryphes russo-ukrainiens".
Dans ce monde hors du temps, les forces primitives primitives et les croyances obscures, matérialisées par des divinités féroces, tel le Roi Terre nommé Viï, puissance du monde souterrain au regard destructeur dont les intercesseurs terrestres sont les sorcières, coexistent avec un dieu révélé et véhiculé par une liturgie officielle.
Par la voie du naturalisme magique, il montre que l'homme sans croyances ni valeurs qui fondent l'espérance est démuni face aux angoisses existentielles..
Homme de théâtre complet, Vlad Troitskyi, assure tant la conception de ce spectacle que la mise en scène, la scénographie - flamboyante - en collaboration avec Dmytro Kostiuminskyi et la création lumières, un travail colossal de composition de l’espace et de sculpture caravagesque des corps, et intervient dans la partition musicale sonore - une merveille de rythmes percussifs et de polyphonies vocales qui oscillent entre le barbare et le séraphique - avec Roman Iasinovskyi et Solomiia Melnyk et l’incontournable ethnochaos band DakhaBrakha qui participe à toutes ses créations.
Pour ce spectacle saisissant, et peu importe l'absence de sous-titres pour un texte au demeurant minimaliste, les quelques paroles traduites en français dans les scènes avec les deux voyageurs s'avérant dispensables, le spectateur est plongé dans un univers qui tient du conte médiéval revu par un Tolkien slave.
De l’obscurité et l’obscurantisme des temps reculés émerge un lieu fantastique au coeur d'une haute et profonde forêt qui évoque une cathédrale sylvestre, une terre frustre qui respire, recouvrant de brume un sol constitué de copeaux de bois odorant, des troncs d’arbre suspendus, gardé par d’étranges créatures perchées sur pilotis qui partent à la vue des étrangers. Tout peut commencer et tout arrivera jusqu'au chaos final qui est peut-être aussi rédemption.
Dans des costumes ukrainiens typiques réalisés par Kateryna Vyshneva, les comédiens et musiciens-chanteurs, tous parfaits de précision dans un travail choral qui exige simultanément synergie et synchronisme, se déplacent avec la lenteur des figures spectrales qui ont l'éternité devant elles, et dispensent un spectacle aussi apocalyptique qu'envoûtant. |