Mystère de Paul Claudel, mise en scène de Yves Beaunesne, avec Damien Bigourdan, Judith Chemla, Thomas Condemine, Jean-Claude Drouot, Fabienne Lucchetti, Marine Sylf, et les violoncellistes Myrtille Hetzel et Clotilde Lacroix.
Sur un parquet dépouillé où se dessine une forêt, Yves Beaunesne a monté une "Annonce faite à Marie" qui a pour première qualité de laisser écouter les mots de Claudel.
Au début était le verbe claudélien et c'est avec un grand plaisir que l'on l'entendra pour la première fois ou qu'on le redécouvrira sans effets lyriques, abrupt, béant, fort de toute sa chair encore champenoise.
Dans ce dialogue d'un jeune homme avec son Dieu retrouvé, on percevra à travers les malheurs contés une joie irrépressible, celle du chrétien choisi pour connaître le mystère de l'épreuve.
On saura gré à Yves Beaunesne d'avoir abordé Claudel sans peur, de ne pas en faire une fois de plus le "monstre" du théâtre contemporain. Peut-être que l'ajout d'une partie musicale, avec la composition originale de Camille Rocailleux, belle et discrète, mais toujours bien présente avec les violoncelles de Myrtille Hetzel et Clotilde Lacroix derrière le rideau blanc composant le fond de la scène, apaise le flot des mots.
Parfois, même, s'élèvent quelques chants très courts et très habités. Claudel est ici dans un écrin d'une grande pureté et cette famille dont on assiste à la chute parce qu'elle ose croire que la foi doit être vécue n'apparaît pas aberrante et lointaine.
Au contraire, et c'est toute la force de cette version qui décrit la foi comme une passion, faisant de Paul Claudel l'alter ego de Georges Bernanos, que de montrer que l'homme s'humilie quand il a l'orgueil incommensurable de vouloir donner un baiser au lépreux.
Judith Chemla domine l'interprétation avec sa Violaine qui crie sa foi au mépris de sa vie. Enfant gâtée qui refuse la sainteté, parée de beaux atours ou emmitouflée comme une SDF, elle croit à son personnage et transmet avec force son vertige.
C'est aussi le cas de tous ses partenaires, même si c'est difficile de lui faire face et que Thomas Condemine, qui incarne les valeurs terriennes déjà en train de se convertir au matérialisme, n'a peut-être pas trouvé totalement la dimension tragique de son rôle.
Mais ce n'est qu'un détail pour tenter de trouver quelque chose à redire au travail d'Yves Beaunesne et de ses interprètes, qui a le grand mérite de remettre le théâtre de Claudel à la place de choix qui lui est due. |