Comédie dramatique de Harold Pinter, mise en scène de Gérard Desarthe, avec Carole Bouquet et Gérard Desarthe.
"Ashes to Ashes" ("Dispersion"), pièce en un acte d'Harold Pinter, est une de dernières œuvres du dramaturge britannique disparu en 2008.
Montée par l'auteur lui-même en 1996 à Londres et en 1998 à Paris, où elle fut créée par Christine Boisson et Lambert Wilson, elle reste par bien des côtés mystérieuses.
Privilégiant la parole à l'action, elle se refuse à toute dramaturgie, à tout crescendo dramatique. Ellitique, minimaliste, elle rassemble théoriquement le trio théâtral habituel composé du mari, de sa femme et de son amant.
Sauf qu'ici, l'amant est si absent qu'on ne peut affirmer avec certitude qu'il existe ou a existé. Comme le reste, n'est-il pas une image falsifiée ou fantasmée surgit de la mémoire peu fiable désormais de Rebecca qui répond avec douleur aux questions de son mari Devlin ?
Dans sa mise en scène épurée, Gérard Desarthe laisse sa partenaire, Carole Bouquet, en permanence assise dans un large divan blanc. Assise ou recroquevillée, les jambes repliées jusqu'au creux de sa tête, elle esquisse avec douleur, des réponses aux interrogations de son mari.
Elle cherche la réponse juste avec non pas la peur de mentir mais avec l'angoisse de ne pas souvenir de la situation dont elle doit se justifier. Pourquoi le couple en est-il arrivé à cette relation tendue, à ce fonctionnement qui finit par ressembler à un interrogatoire ?
Et pourquoi, pour Rebecca, ce questionnement - apparemment "bienveillant" - l'entraîne-t-il à penser à des choses terribles, à s'imaginer victime des horreurs génocidaires du 20ème siècle ?
Disséquant le texte de Pinter en petites séquences où le décor est dans l'obscurité puis revient en lumière dans des couleurs différentes, Gérard Desarthe crée une vraie tension.
Le texte si court paraît alors s'allonger, s'éterniser sur un mot ou une tournure de phrase, prenant dès lors un sens que la banalité de l'expression ne semblait pas laisser deviner. Se voulant rassurant, Gérard Desarthe inquiète. Se voulant sans secret, Carole Bouquet se blesse à dire une vérité pas plus claire que le mensonge.
On ressort de cette heure passée au cœur d'un Pinter presque inconnu plus incertain que convaincu. Ce sentiment de n'avoir pas tout maîtrisé, si proche de ce qu'est la vie où tout ne reçoit pas d'explication, est la leçon ultime d'un grand créateur dont Gérard Desarthe et Carole Bouquet servent avec conviction la musique crépusculaire.
Mention au jeu coloré subtil des lumières de Rémi Claude, seul moment apaisant dans ce parcours d'un couple vers la noirceur. |