"Un premier roman d’une maîtrise stupéfiante" dit The Guardian. Et moi je rajoute que les Editions Préludes savent trouver des auteurs divers et variés avec un seul et unique point commun : quelle maîtrise du récit ! Jason Hewitt est leur petit dernier avec son magistral Le Silence des bombes. Un coup de génie, deux petites histoires (fictives !) dans la grande histoire.
1940, nous sommes en juillet, Angleterre, pays du Rosbif qui a vécu cette Grande Guerre différemment de nous, mais tout aussi intensément, et sans être plus épargnée. Lydia a 11 ans, elle rentre chez elle toute seule, avec un masque à gaz, elle traverse son village déserté et pousse enfin la porte de sa maison d’enfance. Vide. Enfin presque. Vide de ses parents. Mais occupée par un étrange soldat. Allemand ? Anglais ? Mais qui est cet homme ? Il séquestre Lydia, la menace, lui demande de lui faire confiance, il veut l’adopter.
Etrange, sombre, incertain comme un quotidien sans les bombes, précaire et bourré d’espoir. Il est impressionnant de constater à quel point les personnages sont emplis d’espoir, leurs proches sont disparus, ils n’ont plus aucun repère, ils sont arrachés à leur vie tranquille et leurs tracas quotidiens par un conflit qui n’est pas le leur, ils donnent leur sang, leurs souvenirs et leurs vies à des inconnus pour une patrie, pour un avenir qu’ils continuent d’espérer.
Le roman est écrit d’une main vibrante située entre passé et présent, la plume reflète l’âme des personnages, entre peur et besoin de sécurité, entre quotidien et souvenirs sucrés. Le roman est un enchevêtrement de passé et de présent, il se déroule bien en 1940, mais le passé ne demande qu’une seconde d’inattention pour se rappeler en notre présent.
Le passé de Lydia et du soldat est retracé à travers la semaine qu’ils passent ensemble dans la maison d’enfance de Lydia. Et la prouesse de l’auteur fait qu’à aucun moment nous ne sommes perdus dans le récit. Bon, il faut suivre quand même, si vous laissez le livre sous une table pendant un mois et que vous le reprenez, vous allez évidemment vous demander qui est cette femme ? Soit vous recommencez la lecture, soit vous persévérez, et vous vous rendez compte que ce n’est que le passé de l’un ou l’autre des personnages qui est là.
Vous êtes tour à tour dans leur quotidien puis dans leurs pensées. Vous vivez et ressentez ce douloureux silence comme si vous y étiez. Même si je ne m’y suis jamais trouvée et qu’un récit de survivant reste un récit, on ne peut s’empêcher de frissonner avec les personnages, de craindre les bruits du voisinage avec eux, de savourer une journée calme avec eux.
Le roman porte la gravité de la première de couverture : une photo représentant deux enfants exécutant un pas de danse improvisé dans un champ, sous un soleil qu’on devine d’été et insouciant. Photo brûlée, comme tirée des flammes, atterrie loin de son foyer, retrouvée par hasard dans un caniveau, portée et poussé par le souffle brûlant d’une explosion, d’une attaque.
Jason Hewitt décrit le silence de la guerre, les traces des bombes, le silence qui suit l’explosion, l’agrandissement des yeux face à l’horreur. Le silence des bombes ne se situe pas au cœur du conflit, encore moins dans les maquis ni dans les QG de bataille. Il se situe loin du front, au cœur des villages dévastés par leurs absents, là où la prise de conscience est la plus douloureuse, c’est à la maison et au quotidien que l’absence des proches se fait sentir. C’est là que l’auteur frappe, et touche. |