Comédie dramatique écrite et mise en scène par Côme de Bellescize, avec Philippe Bérodot, Jonathan Cohen, Eléonore Joncquez et Estelle Meyer.
Si l'on est en mal d'enfant ou dans une grossesse, qu'elle soit heureuse ou difficile, "Eugénie" de Côme de Bellescize n'est pas une pièce recommandée, même si elle est très recommandable. Abordant un thème sociétal majeur, "Eugénie" ne ménage pas son spectateur.
Tout commence brillamment sous le ton primesautier de la comédie : Sam vend des photocopieurs et Sarah l'aime. Mais si l'amour est là, l'enfant ne vient pas conclure la normalité de ce bonheur banal. Sarah déprime et sa mère, féministe canal historique MLF, fustige ce désir aliénant de procréation. Il lui faudra faire fi de ce mauvais œil d'un autre âge et s'essayer à la modernité de la procréation assistée.
Multipliant sans ennuyer les passages obligés (la séance de "collecte" du sperme de Sam, l'échographie, le choix du prénom, etc.), "Eugénie" se crispe soudain : la petite fille à venir a de fortes chances d'être "anormale".
Comme Eugénie, étymologiquement "la bien née" est représentée sur scène par une actrice en tutu rose et pleine de faconde, interprétée avec conviction par Estelle Meyer, les discussions de ses parents sur la garder ou pas gagnent en âpreté, en tragique.
Le rire, souvent présent dans la première partie de la pièce, devient plus rare et les protagonistes sont dans une vraie émotion, mais si elle est parfois gênante, parfois trop insistante.
Eléonore Joncquez épouse parfaitement tous les paradoxes de Sarah en femme qui voulait ardemment un enfant mais pas celui qu'elle porte désormais. Jonathan Cohen fait de Sam le reflet de toutes les lâchetés masculines.
On n'oubliera pas Philippe Bérodot maître Jacques d'"Eugénie" aussi hilarant en client achetant une photocopieuse qu'inquiétant en docteur porteur aléatoire de bonnes ou de mauvaises nouvelles.
Incontestablement, Côme de Bellescize sait mettre en valeur ses acteurs avec son texte et sa mise en scène. Prometteur, efficace, il ne lui manque peut-être qu'un peu d'audace pour dépasser des sujets encore trop convenus. |