Comédie dramatique de Brian Friel, mise en scène de Benoît Lavigne, avec Xavier Gallais (ou Thomas Durand), Bérangère Gallot et Hervé Jouval.
Après "Le Maxi Monster Music Show", Benoît Lavigne, adepte du grand écart stylistique, met en en scène le "Guérisseur" du dramaturge irlandais Brian Friel qui se présente comme un récit à trois voix monologales en adresse au public retraçant essentiellement, sous des angles différents, la vie et la mort du "Fantastique Francis Hardy" doté d'un don de magnétisme médical.
En un autre temps, un étrange trio à la dérive sillonne les routes tortueuses des landes écossaises et galloises pour présenter, dans les villages les plus reculés, un "numéro" de guérisseur qui leur permet tout juste de survivre, jusqu'au retour fatal en Irlande.
Dans cette partition plus littéraire que théâtrale, l'écriture de Brian Friel, telle qu'elle résulte de la traduction émérite de son traducteur privilégié Alain Delahaye, s'inscrit dans l'héritage de la littérature classique anglo-saxonne du 19ème siècle placée sous le signe du romantisme noir tout en étant innervé, et ce quasiment de manière paradoxale, du naturalisme et du réalisme magique ancrés dans le particularisme celtique.
Cette partition subtile impose, et exige, une interprétation de haut vol et Benoît Lavigne ne s'est pas trompé en réunissant des comédiens possédant la technique nécessaire tant pour en incarner les figures tragiques que signifier la pluralité stylistique et porter ce kaléidoscope mnésique.
Et la scénographie minimaliste de Tim Northam, quelques chaises et la grande affiche de présentation du "guérisseur", et les belles lumières de Denis Koransky font la part belle à l'interprétation des officiants dirigés avec rigueur par Benoît Lavigne.
Bérangère Gallot est parfaite dans le registre de l'amour douloureux et de l'abnégation de la femme maltraitée tout comme, avec une faconde de bon aloi, Hervé Jouval campe l'imprésario miteux.
Dans le rôle du personnage-titre à la personnalité complexe, charlatan assumé, véritable artiste ou illuminé faiseur de miracles, Xavier Gallais s'impose par un jeu intensément intériorisé qui retranscit le charisme lunaire d'un homme rongé par le mal de vivre et l'alcool. |