Solo clownesque écrit par Catherine Lefeuvre, direction de Catherine Lefeuvre et Jean Lambert-wild, avec Jean Lambert-wild et la participation de Jean Meyrand.
Après "Un clown à la mer", Jean Lambert-wild, toujours dans la peau de Gramblanc, revient dans "Coloris Vitalis", un second spectacle lui aussi d'une durée de 45 minutes, lui aussi en compagnie de Jean Meyrand prêt à satisfaire ses désirs.
Bien qu'on pourrait se perdre dans le jeu des correspondances entre les deux spectacles et prétendre qu'il n'en forme qu'un, on respectera le vœu de son interprète qui préfère considérer qu'ils sont totalement indépendants.
Et c'est en effet un dispositif différent qui frappe d'emblée dans "Coloris Vitalis". Gramblanc est dans une grande robe bleue à rayures blanches, à l'instar du pyjama d'"Un Clown à la mer". Mais cette fois-ci, il est sur un plot. Statique, il a l'air d'être une statue guerrière bénéficiant d'un éclairage subtil de Claire Debar-Capdevielle.
Sur sa robe frappent surtout de petites poches de baudruche rouge vif disseminées çà et là. Rien que dans son attitude, il paraît moins cool que tout à l'heure. Il semble irrité, prêt à en découdre, prêt à déverser son fiel sur tout et sur tous. Ce clown sans couleurs a quelque chose de célinien. Il insulte les spectateurs, en cible un dans un rai de lumière, l'accuse d'être un "barbouilleur".
Se découvre alors toute entière sa face B de clown méchant et neurasthénique. Souffrant d'une maladie orpheline liée à la couleur, il postillonne sa haine de l'autre, le coloré...
Peut-on guérir un clown malade ? C'est la problématique de "Coloris Vitalis" qui repose totalement sur l'interprétation de Jean Lambert-wild. Chevalier à la triste figure enfarinée ou Madame Butterfly à l'éventail, il cherche sa voie dans l'épique ou dans le pathétique.
Comme dans la chanson de Gianni Esposito, "le clown se meurt", faut-il alors pleurer ou applaudir ? Comment comprendre le mouvement dialectique qui fait que le clown blanc oscille entre la terne grisaille et le trop-plein de couleurs ?
Ce manichéisme intenable ne peut évidemment finir que par une explosion... Les petites poches de baudruche rouge vif ne cachent-elles pas un dispositif explosif ?
On en dira pas plus : "Coloris Vitalis" est une "entrée clownesque" d'une grande force.
Est-elle nécessairement comique ? Elle fait bien le pendant au "Clown à la mer", n'en déplaise à Jean Lambert-wild et Catherine Lefeuvre. Elle touche car on sait que le clown, par essence, ne joue jamais à faire semblant. Elle touche aussi parce que le texte de Catherine Lefeuvre a une qualité littéraire rare. Louis-Ferdinand Céline n'est pas loin, il attend quelque part Gramblanc au tournant. L'attente ne sera pas forcément très longue. |