Monologue dramatique de Bernard Besserglik interprété par Christiane Corthay dans une mise en scène de Sylvain Corthay. L'héritière du Groupe L'Oréal et première fortune de France, Liliane Bettencourt fut au coeur d'une affaire défrayant la chronique pendant une décennie qui démarre en 2007 avec la plainte portée par sa fille à l'encontre du photographe-écrivain François-Marie Banier qui, bénéficiant depuis vingt ans de ses largesses, venait d'être érigé par la nonagénaire comme son légataire universel.
Cet épiphénomène quasi anecdotique que constitue l'abus de faiblesse sur de riches personnes âgées qui, en l'espèce, s'est révélé comme un brin de laine qui dévida la pelote d'une saga politico-judiciaro-financière réunissant tous les ingrédients propices à inspirer les auteurs de théâtre, du boulevard avec "Parce que je la vole bien" de Laurent Ruquier à la tragédie familiale avec le "Bettencourt Boulevard" de Michel Vinaver.
Entre ces deux registres s'insère la partition à une voix de Bernard Besserglik, journaliste reconverti à l'écriture, qui, sous le titre "Parce que je le veux bien", présente sous forme de réponses à des interviews virtuelles, une judicieuse compilation des faits dans une version énoncée par la protagoniste centrale sans jamais citer un nom et évoquant subtilement, de manière conjecturale, sa part d'ombre.
Ainsi la milliardaire, momifiée oedipienne dans l'admiration de la toute puissante figure paternelle au passé trouble que n'a pas rompu le mariage avec un prince consort imposé aux moeurs contraires, découvre la vie avec un mignon du Tout Paris et bel ami maupassantien dont elle devient la mécène et auquel, par générosité, elle aime faire des cadeaux, car elle le peut bien et cela lui coûte si peu, qualité que partage le bénéficiaire puisque, selon elle, il a la générosité d'accepter ses cadeaux. Dans une sobre scénographie de coin-salon impersonnel réalisé par Aurélien Maillé, et sous la direction attentive de Sylvain Corthay, une belle comédienne livre une prestation émérite qui ne cède jamais à la tentation du numéro d'acteur.
Christiane Corthay apporte une vraie humanité à une femme qui, sur le tard, s'est voulue - et crue libre - et qui, nonagénaire désemparée, à un crépuscule assombri par le ramollissement cérébral et les exactions de ses proches, porte un regard rétrospectif sur son destin de petite fille riche révélant, sur fond de liaisons dangereuses entre argent et politique, une personnalité complexe entre fragilité, naïveté et prosaïsme.
Du très beau travail. |