Tragédie contemporaine écrite et mise en scène par Alain Foix, avec Viktor Lazlo, Jean-Claude Drout, Cathy Bodet, Modeste Nzapassara et Mike Fedee accompagnés au violoncelle, en alternance, par Johnatan Rautiola, ou Alexandre Rouillart.
Des talons qui claquent, une pluie battante et des pigeons qui passent le temps. Voilà le spectacle qui accapare chaque jour Oreste Moulineaux (Jean-Claude Drouot), vieux professeur de français du haut de sa petite chambre sous les toits.
Le spectacle des amours tarifées, des filles de joie comme Marylin (Viktor Lazlo), la beauté créole échouée dans la grisaille parisienne, ou Josette (Cathy Bodet), la bonne fille qui veille sur son univers.
Oreste n'a plus qu'à s'inventer des histoires, se gargarisant de mots, de phrases ou d'invectives contre le grand horloger. Il voudrait tant que la vie de Marylin s'illumine enfin, qu'elle arrête de trébucher sur ses talons trop hauts, contre ces pavés trop irréguliers, hantée par ses souvenirs d'Outre Mer. Ce fils abandonné, ce père délirant et fanatique. Il ferait son possible pour qu'elle trouve des bras rassurants, des bras qui sont un pays, celui de son enfance, chaud et coloré.
L'homme de la situation est Joseph (Mike Fedee), un jeune étudiant en droit. Quand intervient, le conteur-coryphée (Modeste Nzapassara) qui pimente l'histoire banale des épices des mythes anciens, pour que Marylin et Joseph se tranforment en Jocaste et Oedipe et l'hsitoire se plie sous un dénouement tragique.
"Rue Saint Denis" est une terre de fantasmes où Marilyn figure la patrie-mère, à la fois maman à la fois putain, qui vient perdre ses enfants exilés. Oreste n'est qu'un poète impuissant aux phrases qui partent se perdre entre la terre et le ciel, pour tomber dans les oreilles d'une vieille folle.
Jean-Claude Drouot se met entièrement au service de son personnage de vieux délirant, colérique et généreux. La fantaisie et la légèreté reviennent à Modeste Nzapassara, personnage truculent, histrion africain malicieux. Lumineux et souple, il est la voix d'un destin ironique. Mi-démon, il nous rappelle que les dieux sont jaloux du bonheur des hommes et qu'ils s'amusent à tordre leur vie misérable.
La grande force d'Alain Foix est de réussir à transfuser la culture africaine dans les mythes du théâtre européen, dans un équilibre à la fois régénérant et réjouissant. Chaque interprète joue une partition difficile avec une grande facilité, preuve de leur talent à tous.
Une rencontre intime des héritages est possible et ouvre de nouvelles perspectives que nous avons hâte de découvrir en suivant le travail d'Alain Foix. |