Tragi-comédie de Miguel Angel Sevilla, mise en scène par Nathalie Sevilla, avec Pierre Boucher, Malka Fleurot, Diana Sakalauskaïté, Miguel Angel Sevilla et Nathalie Sevilla.
C'est à un spectacle presque irréel et elliptique que convie Miguel Angel Sevilla dans "La mémoire d'un théâtre sur le point de disparaître". Saisir la mémoire d'une chose au moment où elle est en train de s'évanouir, juste à cet instant où elle est encore vivante mais déjà bien morte par bien d'autres côtés, n'est pas commun. Saisir le fugace plutôt que le tenace, c'est évidemment une démarche fragile et singulière. Dans un lieu vide de tout décor, où le moindre objet prend valeur symbolique, des personnages vont donc proposer une ultime petite promenade dans un univers où le vide va remplacer le plein, le silence de la pauvreté le bruit de l'art.
Miguel Angel Sevilla ne raconte pas la mort annoncée d'un pauvre petit cirque dans un terrain vague qui ne sera bientôt plus qu'une décharge. Il fait faire un ultime tour de piste à tout un aréopage de gens qui formaient dans ce quartier déshérité une petite collectivité aux solidarités évidentes et peut-être inconscientes. Déjà plus monologuant que dialoguant, ils disent sans doute pour la dernière fois, avec des sourires douloureux mais jamais forcés, des mots sans colère mais jamais résignés, une vérité populaire qui va être emportée par l'insignifiance d'un monde plus laid sans elle. Attention, le récit de Miguel Angel Sevilla est lucide et pas sinistre. Il ne faut pas rire du malheur mais cela n'empêche pas de s'en moquer car tous les souvenirs emportés par les uns et les autres constituent de quoi nourrir cette mémoire en train de naître quand le reste est en train de disparaître. Et cette mémoire dialectique, qui éliminera les heures tragiques et illuminera les minutes poétiques, deviendra l'élément fondateur pour créer un nouveau monde moins cynique et désespérant que celui qui étend aujourd'hui ses ténèbres. Miguel Angel Sevilla et sa petite troupe (Pierre Boucher, Malika Fleurot, Diana Sakalauskaité, Nathalie Sevilla) proposent un parcours de résistance chaleureuse. Proches des spectateurs, on les sent joyeusement opiniâtres pour prouver que le théâtre a plus d'avenir que sa mémoire. |