Pièces courtes de Jules Renard, mise en scène de Joël Coté, avec Hélène Phénix et Morad Tacherifet.
Sous le titre "Le Plaisir de rompre", Joël Coté associe en diptyque deux pièces courtes de Jules Renard, celle éponyme et "Le Pain de ménage", souvent associées à des pièces en un acte des contemporains de l'auteur, les deux Georges, Feydeau et Courteline, alors même que leur auteur n'officie ni dans le vaudeville ni dans la satire.
En effet, dans ces partitions, au demeurant autofictionnelles, et bien que traitant des thématiques identiques du couple et de l'amour, qui ressortent davantage à la comédie dramatique voire au drame sentimental qu'à la comédie pure, Jules Renard explore le sentiment amoureux dans ce qu'il a de passionné et de sensuel et le jeu de la séduction qui passe par les mots tout en célébrant la victoire de la raison sur la passion.
Dans la première, à la veille d'un mariage qui va l'établir dans la société, Maurice fait ses adieux à Blanche, une maîtresse toujours aimée qui va elle aussi convoler en noces de convention. Mais il tente néanmoins de parer à cette inévitable et imposée séparation..
Dans la seconde, au terme d'une conversation d'après-dîner sur la terrasse un soir d'été, alors que leurs conjoints respectifs dorment du sommeil des justes, Pierre te Blanche qui partagent la même lucidité désenchantée sur l'érosion des sentiments par les effets du temps et l'ennui du bonheur domestique, s'engagent dans un badinage qui réveille leurs sens et dessine la tentation d'une infidélité conjugale.
Jules Renard y dresse deux beaux portraits de femmes. Car les personnages masculins, ni mufles ni goujats mais amoureux sincères, montrent cependant un penchant naturel pour le compromis qu'est l'adultère comme moyen de concilier le devoir et les élans du coeur.
En revanche, les femmes préfèrent la rupture résignée à la fin d'un amour qui est toujours misérable d'autant qu'elles connaissent tant le caractère timoré de leur amant que son talent oratoire.
La mise en scène au cordeau de Joël Coté s'affranchit judicieusement de la contextualisation anecdotique de la Belle Epoque pour mettre en exergue l'intemporalité de la situation et négocie parfaitement l'acmé de l'intrigue qui repose sur le suspense introduit par le conflit intérieur des protagonistes.
Et le jeu subtil, dans lequel affleure une émotion incarnée, du magnifique couple de scène formé par Hélène Phénix et Morad Tacherifet, porte superbement la prose de Jules Renard et en révèle toute son ampleur avec la finesse de l'analyse, l'acuité du style et la justesse du ton sensible. |