Quelqu'un dans mon genre
(Happy Home Records / Differ-Ant / Believe) juin 2018
Balance et titube, laisse-toi emporter par les ondes de My Concubine. Les cordes mécaniques et biologiques s’assemblent et s’emmêlent dans une irrésistible pulsion de dodeline. C’est avec un détachement totalement nonchalant que les titres s’enchaînent sur Quelqu’un dans mon genre, quatrième album du duo.
D’abord, il y a Eric Falce, l’instigateur du numéro, la voix dominante, le timbre détaché, masculin sans trop en faire, face à Lizzy Ling, discrète enjôleuse, l’indispensable accompagnement apportant la légèreté aux titres. A eux deux, ils dégagent l’assurance de ceux à qui on laisse volontiers le dernier mot, parce qu’ils ont le verbe des mots sur le bout de ma langue et l’humour un peu décalé des pinces sans rire.
"Ce qui m‘intéresse, c’est l’individu, ou comment se faire le spectateur amusé de sa propre existence en focalisant sur les bons moments furtifs qui la ponctuent" dit Eric Falce. Et cet album est précisément à cette image, collant exactement à nos existences misanthropes, ces instants suspendus où on se demande ce qu’on fait là, à retenir une furieuse envie de filer fissa en accrochant un sourire sur ce côté de la plaque où nous nous tenons : "Où étiez-vous que faisiez-vous, quand je cherchais la marche à suivre, dans cette histoire à dormir debout" ("Verticales").
Les cordes de fond vibrent avec la présence discrète de bracelets de métal sur un poignet en mouvement, s’accrochant à la mélodie des cordes de tête, là où violons et violoncelles envoutés se dandinent au gré des percussions. Je laisse aux culturés le soin de relier le style à des références spécifiques. "Divin loser, d’où vient cette classe, cet air d’être ailleurs, toujours absent quoiqu’il se passe" ("Divin loser").
Dans mon monde, le style est un champ de blé sous le soleil, teinté de mille nuances chatoyantes, entre couleurs chaudes et parfums délicats, c’est doux et tendre comme une balade matinale, et plein de promesses comme le ciel après l’orage. "Connais-tu les jours sans lendemain, moi je n’attends pas qu’ils chantent faux" ("Les secondes").
Il est question du temps qui passe, des grands moments de solitude, des petites joies quotidiennes et de l’absurdité ordinaire. Et pas seulement, Quelqu’un dans mon genre est également un livre ouvert sur l’individu dans toute sa splendeur, entre normes, préjugés et principes, l’humain dans ce qu’il a de plus passionnant : sa diversité toute en rondeurs subtiles, des personnalités les plus taniques aux élans les plus uniques "Sois comme l’eau mon ami, elle prend toutes les formes, de tous les styles, prends celui qui n’est pas dans la norme, occupe l’espace comme un fluide et deviens ton propre guide, au jeu de la mort inachevé, un dragon à ton chevet" ("Dragon").
Poète et sensible, Eric Falce inspire le pas chassé des mélancoliques espiègles qui ne s’ennuient jamais, ceux qui ont "refusé la carte et les menus convenus", cultivant l’optimisme de l’émerveillement, choisissant le "Menu spécial, jamais le même goût" ("Menu spécial").
Un brin folk, un poil pop, indie-pop avenant, élégant, My Concubine.