Ciné-spectacle conçu, écrit et mis en scène par Métilde Weyergans et Samuel Hercule, avec Samuel Hercule, Métilde Weyergans, Timothée Jolly et Mathieu Ogier.
Le spectacle s’ouvre sur un noir fondu. Samuel Hercule, se saisissant d’un micro tout juste descendu du plafonnier énonce d’une voix grave et langoureuse, digne des programmes radiophoniques nocturnes, un horoscope Shakespearien des plus troublant. Ce sera une des seules références explicite au dramaturge anglais dont la tragédie phare figure pourtant dans le titre de la pièce. Déroutant, original, interpellant, créatif… beaucoup de qualificatifs viennent à l’esprit pour décrire "Ne pas finir comme Roméo et Juliette", ciné-spectacle basé sur un conte surnaturel écrit, réalisé et mise en scène par le duo Métilde Weyergans et Samuel Hercule. S’il ne traite pas de l’animosité séculaire entre les Montaigu et les Capulet cet ovni théâtrale qui mélange la projection d’un film et une performance en direct de doublage et d’interprétation n’en dépeint pas moins un monde coupé en deux par une frontière imaginaire et que personne ne pense à remettre en question : celui des visibles et des invisibles. Ces deux communautés vivent de part et d’autre d’un pont qu’aucun n’ose plus franchir. On ne se souvient plus vraiment pourquoi mais tous ressentent au fond d’eux même que c’est mieux comme cela. Jusqu’au jour où Romy, une jeune invisible, décide d’aller voir la mer de l’autre côté du pont. Tout comme dans la pièce de Sir William, cette plongée voulue initialement comme momentanée de l’autre côté, va se transformer en une histoire de lutte pour casser les barrières mentales et vivre une vie choisie et non plus subie. Sur scène, Samuel Hercule et Métilde Weyergans interprètent tous les personnages du film qui est projeté tout du long de la représentation en fond de scène, tandis que Timothée Jolly et Mathieu Ogier, qui co-signent la musique, sont les maîtres de la mélodie. Avec leur voix, quelques accessoires et un art maîtrisé du bruitage, ils donnent tout quatre vie à un monde autrement à plat. Outre le fait d’éveiller la curiosité du spectateur sur l’emploi d’une poubelle pour figurer un feu d’artifice, cette drôle de figure performative, inspirée du cinéma muet sans en utiliser les codes, questionne habilement la valeur du jeu théâtral face à son confrère cinématographique sans les opposer, bien au contraire. Beaucoup d’habiles trouvailles sont essaimées au cours du spectacle, comme le principe des masques (conçus par Adèle Ogier) qui donnent figurent humaines à nos invisibles et les quelques accessoires utilisés par les personnages du film et qu’on retrouve sur scène, permettant la continuité narrative entre les deux niveaux. La lecture à plusieurs niveaux de l’histoire d’amour entre Romy et Pierre donne une profondeur supplémentaire à la fable, l’utilisation de l’invisibilité comme code d’appartenance à un groupe n’étant pas sans portée philosophique ou politique. Elle pose en effet plusieurs questions : est-ce que notre nature sociale se construit forcément en marginalisant l’autre ? Est-il possible de faire exister pour soi et pour autrui ce que l’on ne voit pas ? Peut-on réinventer ses codes de pensée sans entrer en insoumission ? En réunissant par leur travail l’image et le son, Samuel Hercule et Métilde Weyergans, démontrent alors par l’exemple qu’un point de rencontre, voire de coopération est possible entre des mondes que la pensée humaine voudrait opposer, pour peu qu’on s’en donne la peine. Ils ouvrent ainsi la porte vers quelque chose de plus grand. |