Comédie satirique écrite et mise en scène par Paul-Eloi Forget et Samuel Valensi, avec June Assal, Michel Derville, Lison Favard (en alternance Emelyne Chirol), Paul-Eloi Forget, Valérie Moinet et Samuel Valensi. Comédie satirique sur les fonctionnements de notre démocratie, "Coupures" met en évidence par l’exemple la façon dont le public est le plus souvent exclu du débat démocratique alors même qu’il pense activement y participer.
Paul-Eloi Forget et Samuel Valensi, qui signent le texte et la mise en scène du spectacle, imaginent, avec une pointe d’ironie, un dispositif narratif où les spectateurs sont pris à parti sans avoir le droit de participer au débat.
Invité en effet à un débat public concernant l’implantation d'antennes 5G dans une petite commune rurale, les spectateurs se retrouvent pris en tenaille entre Frédéric, le maire écologiste, agriculteur, père de famille, rêveur et engagé, qui laisse néanmoins les antennes se déployer sur la commune, et son ambitieuse et néanmoins dévouée au bien commun, opposante, bien décidée à mettre l’opinion de son côté et soucieuse d’en découdre.
Grâce à un ingénieux système de retours en arrière, entrecoupés de saynètes drolatiques permettant de dédramatiser le propos (telle un parodie du célèbre jeux de “La roue de la fortune” transposé au maintien des subventions agricoles, ou d’ubuesques conversations téléphoniques avec les administrations), ils illustrent ainsi les arcanes d’un système démocratique en crise où élus, électeurs et institutions sont en rupture, mettant douloureusement en avant les mécanismes permettant aux élites de mettre en œuvre leurs décision, quitte à by-passer les élus et à marginaliser les opinions et les intérêts des citoyens ordinaires.
En ouvrant puis refermant le quatrième mur, les spectateurs sont mis dans la position de simples observateurs de l'histoire plutôt que d'être directement impliqués, ce qui permet d' accentuer leur impuissance face à une situation qui leur échappe.
La mise en en scène dynamique est d’inspiration cinématographique sur les temps du passé, avec de nombreux changements de scènes et l’inclusion d'ellipses.
L’ingénieuse scénographie de Julie Mahieu utilisant un dispositif de panneaux blancs permettant la projection d’images et la musique assurée sur le plateau par la musicienne Lison Favard donnent vie à l’ensemble, accentuant - comme dans la scène de l’orage - les côtés dramatiques tout comme les aspects comiques - comme dans la scène de l’arrivée de Frédéric en préfecture. En contraste, les scènes du présent avec le public sont volontairement traitées avec réalisme.
Les comédiens s'avèrent absolument incroyables tels June Assal est particulièrement touchante dans son rôle à la fois fragile et forte de Sahar, femme, de mère et d’exploitante agricole en support de son idéaliste de marin, et Samuel Valensi qui porte sur ses épaules et avec beaucoup de justesse le rôle délicat du jeune élu idéaliste pris dans une tempête qui le dépasse.
Michel Derville et Valérie Moinet mettent tout leur charisme et leur talent au service de la pièce tandis que Paul-Eloi Forget compose le personnage à priori secondaire du frère de Sahar avec plus de complexité qu’il n’y paraît.
Une pièce coup de poing qui laisse néanmoins en bouche le goût doux amer d’une impuissance programmée. |