Adaptation libre du film "La Strada" de Federico Fellini de Pierrette Dupoyet, mise en scène par Christophe Gauzeran, avec Juliette Croizat.
L'image de Gelsomina interprétée par l'émouvante et magistrale Giuletta Massina dans le film culte "La strada" de Fellini figure au panthéon du cinéma. Personne ne peut oublier son regard d’oisillon tombé du nid plein d’étoiles.
Personne n’oubliera non plus la petite "tête d’artichaut" de Juliette Croizat, magique similitude prénom, qui incarne Gelsomina sur la scène du Théâtre Le Ranelagh.
Gelsomina, celle qui est restée une petite fille dans sa tête, les pieds à jamais englués dans le bourbier de la vie de ceux qui n’ont pas eu de chance, se retrouve subitement vendue, entraînée hors de son village, à sillonner les routes avec un bateleur de foire, Zampano, une brute épaisse elle aussi condamnée à une perpétuelle errance.
Comme pour toutes les âmes simples, il suffit d’un rien pour éclaire son regard, une plante, un sourire, ou simplement lever les yeux au ciel. Le ciel symbole de liberté, de rêves heureux, elle dont le nom fait penser à une mouette qu’on étrangle. Et puis elle va découvrir le cirque, ce métier magique qui rend les gens heureux, et le sens de sa vie.
La réussite de ce spectacle tient à une heureuse conjonction de talents. La qualité du texte de Pierrette Dupoyet, un texte littéraire d’une vraie poésie avec les mots simples sans populisme, des mots des pauvres gens comme chantait Ferré, et d’une limpidité cristalline comme l’âme de Gelsomina. Ensuite, la mise en scène subtile de Christophe Gauzeran : pas de décor, quelques accessoires, quelques instruments de cirque, un trapèze, une corde lisse, un fil de funambule et des lumières presque lunaires.
Et pourtant, pendant que Gelsomina raconte son aventure, on la voit la sale petite roulotte dans laquelle elle est confinée, la moto pétaradante, le petit plant de tomates sur le terrain vague et Zampano avec sa veste de berger sans brebis,
Elle paraît bien grande la scène du Théâtre Le Ranelagh et pourtant le public n’a d’yeux que pour elle, cette petite bonne femme qui transcende le personnage en lui donnant une belle humanité, mêlée à la fois d’une grande drôlerie et d’une émotion toujours palpable.
Juliette Croizat est vraiment magnifique et bouleversante. Une interprétaion exceptionnelle, habitée. Impossible de retenir l’émotion qui vous submerge… |