Comédie de Judith Bernard, d’après un ouvrage de Frédéric Lordon, avec Judith Bernard, Maggie Boogaart, Renan Carteaux, Gilbert Edelin, David Nazarenko (en alternance Fabrice Nicot) et Aurélie Talec.
"Bienvenue dans l’Angle Alpha" est l’adaptation scénique de "Capitalisme, désir et servitude, Marx et Spinoza", docte ouvrage du professeur Frédéric Lordon. C’est dire si le sujet est large et sérieux !
Mais, si l’on a vu l’adaptation précédente de Lordon par Judith Bernard, "D'un retournement l'autre", qui racontait - en alexandrins, s’il vous plaît - la crise des subprimes, on sait que si tout va reposer sur une vraie analyse économique, cela ne va pas empêcher le spectacle de se dérouler dans une atmosphère détendue et propice à rire et sourire.
Évidemment, à la différence du "Grand Retournement", cette fois-ci le texte n’est pas directement théâtral et Judith Bernard doit transformer le théorique en scénique. Cela suppose de prendre le temps de bien expliquer les notions et les concepts.
Alors, pour que tout devienne (presque) limpide, Judith Bernard multiplie les astuces avec comme élément central une belle échelle double rouge vif.
Elle est aussi aidée par les chorégraphies de Maggie Booggaart, rappelant ainsi au jeune Lordon que son collègue André Rueff, économiste gaulliste et papa du nouveau franc, fit jadis un ballet pour expliquer les mystères de la monnaie…
Les acteurs se déploient ainsi dans des positions diverses sur et autour de cette échelle pour rendre plus clairs les concepts spinoziens ou marxistes.
Tout cela est plaisant, souvent amusant au point, il faut l’avouer, qu’on en oublie parfois qu’ils illustrent une leçon d’économie pour les plus que nuls. Cependant, même quand on décroche, on comprend que Frédéric Lordon est un élève hétérodoxe de Marx et qu’il y a en lui quelque chose de libertaire.
On pourra pourtant lui reprocher de ne pas remettre en cause le modèle productiviste et de souhaiter simplement modifier l’organisation du travail. Lordon n’est pas un écologiste ni un partisan de la décroissance.
Cette fantaisie qui mêle Spinoza, Marx et, en invité de dernière minute, Deleuze, considère toujours le progrès comme un fait positif. Cela alimentera sans doute les débats qui ne manqueront pas de ponctuer cette petite heure de cours d’économie.
"Bienvenue dans l’angle Alpha" est un spectacle qui parle et qui fait parler. Sans doute un peu trop hermétique pour les Bacs - 5 et un peu trop simplificateur pour les Bacs + 5, il devrait satisfaire tous les autres qui auront prêté attention aux idées de Lordon et qui auront apprécié l’aide apportée pour cela par Judith Bernard et sa troupe. |