Spectacle conçu et mis en espace par Didier Ruiz d'après l'ouvrage éponyme de Martine Sevegrand, avec deux distributions en alternance*.
A l'occasion du vingtième anniversaire de la Compagnie des Hommes, Didier Ruiz réactive, et avec les mêmes acteurs, son spectacle fondateur "L'Amour en toutes lettres" créé en 1998.
Celui-ci résulte de l'adaptation, avec la collaboration de Silvie Laguna, d'un ouvrage de l'historienne Martine Sevegrand intitulé "L'Amour en toutes lettres - Questions à l'abbé Viollet sur la sexualité (1924-1943)" qui consiste en un ensemble de lettres adressées par des catholiques pratiquants à ce dernier, fondateur de l'Association du mariage chrétien et considéré en son temps comme le "spécialiste" de cette question, qui officiait notamment dans la rubrique du courrier des lecteurs de diverses publications dédiées.
La particularité des lettres sélectionnées consiste, d'une part, en ce qu'elles émanent de personnes douloureuses, désemparées et souvent désespérées, impliquant donc une réponse absolument nécessaire, cependant demeurées "lettres mortes", le destinataire s'étant "contenté" du classement dans un dossier "cas de conscience". D'autre part, le mot amour n'y figure jamais, seules deux évoquant le sentiment de manière implicite.
A chacun des dix comédiens, tous excellents, de porter, sans effet naturaliste, la détresse, les mots, ceux "des pauvres gens" chantés par Léo Ferré, et leur humanité malmenée par la servitude volontaire attachée à l'observation de règles qui, si elles s'avèrent légitimes s'agissant du sacrement matrimonial, excèdent leur domaine de compétence pour soumettre la sphère privée et le droit des personnes à des lois morales absolues fondées sur les principes judéo-chrétiens de faute et de péché.
Officiant de manière frontale, en adresse au public, ils livrent les documents bruts dépourvus de tout commentaire selon un dispositif qui ressort à la cérémonie commémorative de croyants tombés sur le champ du dogme clérical dont le pathétique est judicieusement désamorcé par la verve de Marie-Do Fréval en charge des récriminations d'une épouse frustrée par l'onanisme marital.
Un opus en réelle résonance contemporaine car, outre leur intérêt socio-historique sur les moeurs de l'époque et la doctrine traditionnelle du catholicisme, ces bouleversants témoignages épistoliers, essentiellement féminins, confortent la réalité factuelle - et violente - de la condition des femmes confrontées aux problèmes récurrents et universels de la sexualité, de la conjugalité et de la maternité, en l'espèce aggravés par l'assujjetissement religieux. |