> Comédie satirique de Rachida Khalil, mise en scène de Emmanuelle Michelet, avec Rachida Khalil, Abderahim Khalil, Djanis Bouzyani, Shirley Henault, Chloé Aoulakoul, Ambre Caipfali, Coline Omasson et Wendy Deavaux.
Dans son nouveau spectacle, "La croisade s'amuse", Rachida Khalil se donne pour mission de verser dans les clichés les plus tenaces pour mieux les prendre à contre-pied, d'être irrévérencieuse afin de dénoncer l'hypocrisie ambiante de notre société française vis à vis de la culture arabo-musulmane, de donner la parole à cette communauté à laquelle elle appartient et sur laquelle elle jette un regard tendre mais lucide afin de mettre en exergue les contradictions qui l'habitent.
Dans ce seule-en-scène, qui n'en est pas un puisque deux comédiens et quatre danseuses accompagnent Rachida Khalil, les saynètes se succèdent, entrecoupées de chorégraphies volontiers subversives, et, avec comme point de départ, la complainte d'une jeune tunisienne qui regrette les ravages du printemps arabe, marquant pour elle la fin de la période faste où les tunisiennes se promenaient en "semi-liberté" tandis que les touristes venaient bronzer ou se refaire la poitrine à bas prix.
Elle parle de sa petite nièce partie il y a longtemps en Occident et se demande ce qu'elle a bien pu y devenir, mère de famille, femme de ménage, présidente de la république ? C'est le devenir de cette petite nièce que joue dans chaque saynète, la belle Rachida Khalil, en profitant à chaque fois pour nous servir un personnage haut en couleur représentant une des multiples facettes de la communauté arabo-musulmane française.
De la veuve noire faisant l'apologie de la pauvreté, à la fripouille vivant des alloc' en passant par le travelo ou le vieil immigré intégré mais plus raciste que le vieux français lui-même, les personnages se suivent, certains plus truculent que d'autres.
Rachida Khalil est particulièrement rayonnante et percutante dans ses interprétations, servie par sa propre écriture qui mêle la subtile caricature au potache le plus primaire. Les interludes dansés apportent poésie, fraicheur et plaisir des yeux tout en rappelant la place ambigüe de la femme, de son corps et de sa sexualité dans la communauté arabe actuelle.
A la fois drôle et intelligent, le spectacle est traversé de nombreuses fulgurances (en particulier la facho-week, extrêmement drôle et très irrévérencieuse) et divertit, interpelle et amène le spectateur à se questionner sur la société dans laquelle il vit.
Le tableau final "inversé" où le Moyen-Orient aurait colonisé l'Occident est particulièrement piquant, juste et savoureux renvoyant chacun à ses contradictions.
A l'heure des conflits au Moyen Orient ou au Mali, Rachida Khalil rappelle que la liberté de parole, l'intelligence mais surtout le rire sont des remparts bien plus efficaces que les bombes à la bêtise et aux préjugés qui font le nid du fanatisme et de l'extrémisme. |