Trois pièces courtes de Jean Aragny et Francis Neilson, Olaf et Palau, et Maurice Renard mises en scène par Frédéric Jessua ou Isabelle Siou.
Avec "Grand Guignol", la Compagnie acte6 ressuscite un genre théâtral aujourd'hui oublié et disparu qui a connu son heure de gloire au début du 20ème siècle et prit le nom du lieu dans lequel il s'est épanoui, le Théâtre du Grand Guignol.
Son répertoire est constitué de pièces courtes, qui sont aux partitions dramatiques ce que la nouvelle est au roman, dotées de titres (d)étonnants qui excitent tant la curiosité que l'imagination.
S'inscrivant dans un registre comico-mélodramatique hérité du cinéma expressionniste d'épouvante avec des part-pris esthétiques forts dont les codes de sur-jeu du cinéma muet, leur intrigue est puisée notamment dans les faits divers sanglants de l'époque dont se nourrissaient les feuilletons populaires de l'époque et dans les délires imaginaires suscités par la science nouvelle qu'est la psychiatrie et la vogue de l'occultisme.
Au Théâtre 13, Frédéric Jessua et Isabelle Siou proposent une soirée composée de trois pièces adroitement enchaînées qui gravitent autour des mêmes thématiques de la folie et du spiritisme qu'ils mettent en scène avec efficacité pour parvenir au but escompté qui est de mêler le rire et le macabre.
"L’Amant de la Morte" de Maurice Renard, mise en scène de Frédéric Jessau, avec Elise Chièze, Jonathan Hume (en alternance Julien Buchy), Joseph Fourez (en alternance Jonathan Frajenberg), Aurélien Osinski et Frédéric Jessua.
Cet opus renouvelle, à la lumière de l'hypnotisme et de la revenance, le classique trio du vaudeville. Robert, amoureux fou de la belle Simone, finit par le lui avouer au grand dam de celle-ci qui a contracté un heureux et riche mariage.
Toutefois, sous ses assauts, la belle semble hésiter et Robert met en pratique ses nouvelles connaissances en matière d'hypnotisme pour commander à la jeune femme de se donner à lui à son retour de voyage. Las, elle perd la vie dans un accident ferroviaire. Mais tout espoir n'est peut-être pas perdu...
Les comédiens jouent parfaitement le jeu : Joseph Fourez en mari parfait, Julien Buchy en amant fiévreux et Elise Chèze en belle fidèle.
"Le Baiser de Sang" de Jean Aragny et Francis Neilson, mise en scène de Isabelle Siou, avec Joseph Fourez (en alternance Jonathan Frajenberg), Frédéric Jessua (en alternance Julien Buchy), Stéphanie Papanian, Clémentine Marmey (en alternance Isabelle Siou), Elise Chièze, Clémentine Marmey (en alternance Dominique Massat), Clémentine Marmey (en alternance Dominique Massat et Aurélien Osinski.
Placée sous le signe de l’hémoglobine et de la rencontre entre le rationalisme scientifique de la médecine et la paranormalité du spiritisme, la pièce narre l'aventure d'un chirurgien confronté à un cas d’école : un homme souffrant au doigt d’un mal étrange et indécelable réclame l’amputation.
L'homme, au comportement aussi suspect qu'étrange, est-il atteint d'un trouble identitaire relatif à l'intégrité corporelle ou victime d'un sort diabolique ?
L'intrigue est rondement menée par les trois principaux protagonistes : Frédéric Jessua excellent dans le rôle du chirurgien pris au piège de l'éthique médicale et de la curiosité, son assistante, la désopilante Stéphanie Papanian, et Joseph Fourez, épatant en persécuté douloureux.
"Les Détraquées" d’Olaf & Palau, mise en scène de Frédéric Jessua, avec Isabelle Siou (en alternance Stéphanie Papanian), Stéphanie Papanian (en alternance Dominique Massat), Claire Guionie (en alternance Justine Bachelet), Elise Chièze, Clémentine Marmey,, Frédéric Jessua, Joseph Fourez (en alternance Julien Buchy) et Aurélien Osinski.
Signée Olaf et Palau, le premier étant le pseudonyme du célèbre neurologue français Babinski, cette pièce, dont l'intrigue se déroule dans l'univers clos traditionnellement propice aux dérèglements des sens qu'est l'institution pour jeunes filles de bonne famille, repose sur l'illustration comique des dérives et amalgames des débuts de la psychiatrie qui a fondé le concept d'hystérie féminine.
Tous les personnages féminins sont montrés comme des détraquées, de la mère indigne (Clémentine Marmey) à la directrice adepte de l'amour pédérastique (Isabelle Siou aussi séduisante qu'inquiétante) en passant par le professeur de danse qui cumule saphisme, morphinomanie et folie meurtrière (Stéphanie Papanian époustouflante).
En face, la raison rime avec masculinité, celle du médecin (Frédéric Jessua), du commissaire de police (Joseph Fourez qui assure une belle composition archtéypale) et du concierge (belle prestation de Aurélien Osinski).
Frédéric Jessua mène son petit monde à la baguette pour concocter un savant dosage de réalisme ordinaire, d'étrangeté et d'ambiguité érotique et tous les comédiens jouent parfaitement le jeu. |