Solo clownesque de Leandre Ribera.
A chacun son clown et celui de Léandre Ribera, pour qui la fonction du clown est de "créer un trou pour regarder l’humanité d’une façon différente", est un clown muet de style "old school" même s'il n'a ni nez rouge ni les attributs spectaculaires du traditionnel clown circassien.
En effet, il oeuvre dans un burlesque empruntant à la grammaire du jeu masqué élaborée par Charlie Chaplin qui résulte de l'hybridation des codes du cirque et du mélodrame et repose sur la puissance émotionnelle du pantin sentimental hérité de la pantomime ancestrale.
En l'espèce, Léandre, clown empathique, se présente comme un ingénu, un innocent désarmé et inadapté aux réalités de la vie même les plus élémentaires, voire un benêt, ce qui entraîne simultanément chez le spectateur deux sentiments antinomiques mais complémentaires, le rire, le rire naturel face à celui qu'il considère comme plus bête que lui, et la compassion face à celui qui est naturellement démuni.
Dans un costume intemporel évoquant tant le vagabond que le simplet de village d'antan, venant d'une autre dimension spatio-temporelle, il émerge d'une armoire faisant office de "stargate", une armoire remplie de chaussettes identiques de couleur jaune jeunes tout comme celles-ci recouvrent le plateau. Un plateau sur lequel est intallé un décor de bicoque naturaliste faite de bric et de broc élaboré par le scénographe Xesca Salva.
A chaque jour ses chaussettes, et une nouvelle journée gaguesque commence avec son lot de péripéties et de confrontations surréalistes au principe de réalité. Par le jeu frontal et l'interactivité constante ressortant au "clown théâtre", Léandre prend le public à témoin de ses incompréhensions élémentaires comme de ses émerveillements puérils et l'entraîne dans le jeu tant collectif, en brisant le fameux quatrième mur, qu'individuellement en invitant un spectateur sur scène pour participer à une de ses (més)aventures.
Par l’exagération comique des effets et l’amplification du geste propices à l'instauration d'un décalage souvent poétique avec la réalité et sa maîtrise virtuose de la maladresse qui caractérise son clown-personnage et caractérise la mécanique du ratage, Léandre Ribera convainc et séduit l'assistance qui regarde non sans émoi se refermer les portes de l'armoire de cet éloquent "Rien à dire" |