Texte de Fabrice Melquiot, mise en scène de Valentin Rossier, avec Marie Druc et Valentin Rossier.
Ils pourraient être assis chaque à une table, des tables voisines, dans un café de province. Ambiance tourangelle puisque ça se passe à Tours. Lui (Valentin Rossier), ça serait Pietr, elle (Marie Druc), ça serait Lisbeth. Ils joueraient un texte de Fabrice Melchiot, quelque chose de simple, quelque chose de pas très loin d'une scène dans un film du siècle passé à l'époque où personne n'avait honte d'imaginer une lelouchienne de vie. Avec des gens ordinaires à un des rares moments extraordinaires de leur existence, celui où ils tombent amoureux de celui ou de celle qui est assis à côté d'eux dans le café perdu où ils étaient en train de se perdre, lui VRP vendant des dictionnaires, elle fraîchement bannie de sa vie sans intérêt...
Mais Valentin Rossier, qu'on n'a pas oublié quand il racontait merveilleusement "Le Grand Cahier" d'Agota Kristof, a voulu réveillé ce texte déjà assez ancien (le coup du VRP, ça ne rajeunit vraiment pas son homme). Voilà donc les amoureux de Tours, debout l'un comme l'autre, devant des micros, dans une semi-pénombre, accompagnés par une musique et des sons travaillés par David Scrufari avec les lumières créées par Jonas Bühler. Le couple est séparé d'un bon mètre et les deux comédiens peuvent s'imaginer dans un cabaret ou une scène rock.
Ce que leur fait dire Fabrice Melchiot rappelle ce qu'aurait pu leur faire dire d'autres auteurs de la même génération, on pense à Xavier Durringer, à la banalité faite famille des Bacri-Jaoui.
On est pris par leur conversation, la mécanique bien huilée de la rencontre qui fonctionne. Dès qu'ils ouvrent la bouche, qu'ils se parlent, on sait que tout le reste va avoir lieu au point qu'on finit par trouver tout cela trop beau pour être vrai. Il suffirait d'un impondérable technique, un détail qui cloche, une musique qui ne part pas... et l'on perdrait non pas le fil du récit, mais la candeur pour y croire...
Un VRP qui s'appelle Pietr... c'est un piètre personnage. Dans sa chambre aux rideaux fleuris de l'hôtel Jean Royer, on l'imagine allongé sur son lit, fumant en fantasmant sur cette rousse assise à une table de la sienne il y a une heure. Il ne lui a pas parlé... Il a eu tort : elle s'appelait Lisbeth... et tout était possible, mais pour quelqu'un qui, comme lui, s'appelle Pietr... |