Ce nouvel album des Californiens d'Abe Vigoda marquent une nette rupture dans leur discographie. Camarades de promotion de No Age ou autres Health, Abe Vigoda s 'était fait remarquer pour sa maîtrise impeccable du raffut bien organisé et ses morceaux torchés en deux coups de cuillère à pot.
Sur leur précédent opus, Skeleton, Abe Vigoda offrait un aller simple aux Caraïbes aux guitares punk des Buzzcocks ou des Clash. Les percussions n'étaient pas en reste : syncopées, tachycardiques... Les Américains s'étaient d'ailleurs retrouvés ambassadeurs d'un genre aussi improbable qu'inimaginable baptisé punk tropical.
Sur Crush, les vacances sont belles et bien finies et Abe Vigoda a troqué les shorts et les tongs contre une garde robe plus austère. Le groupe opère un virage musical tout à fait maîtrisé et surfe avec habileté sur la vague du revival post punk cold wave.
Même si le groupe place encore quelques salves de guitares épiques sur les superbes "Crush", "To Tears" ou encore "November", ce qui étonnera, voire décontenancera ceux qui avaient succombé au charme foutraque et dissonant de Skeleton, ce sont les synthés omniprésents et les boites à rythmes que l'on retrouve sur les dix morceaux de cet album résolument de saison, bande son idéale pour crépuscule automnal et après-midi pluvieux. Les nappes de synthétiques sont ici nimbées de noirceur et de mélancolie, comme sur l'impeccable "Repeating Angel", sombre, tendu et romantique. "Beverly Slope", petite cousine pas si éloignée de "Charlotte Sometimes" du Cure période "ma copine est partie". "We have to mask", magnifique épilogue porté par un synthétiseur asthmatique des guitares blafardes qui donneront aux plus nostalgiques de se replonger ou aux plus curieux de découvrir le magnifique Script Of The Bridge des cultissimes Chameleons.
Reste à savoir si ce parti pris musical n'est qu'une étape dans les incarnations diverses du combo Américain. En tout cas, le noir et le khôl leur sied à merveille. |