Réalisé par Roberto Minervini. France/Italie. Documentaire. 1h32 (Sortie le 25 novembre 2015).
L'année dernière, le précédent film de Robert Minervini, "Le cœur battant" (Stop the pounding heart) avait été un choc.
Sa plongée dans un Texas pauvre, par l'intermédiaire d'une jeune fille appartenant à une communauté agricole de fondamentalistes chrétiens et d'un jeune homme cherchant à s'en sortir par le rodéo, donnait à voir une Amérique cachée, celle de ces nombreuses minorités hors du temps réel étasunien qui par leurs seules existences en contestent l'essence.
Cette fois-ci, dans "The Other Side", c'est en Louisiane que Roberto Minervini poursuit son exploration de la "marginalité" américaine.
En Mark, le réalisateur a trouvé un très beau personnage, un homme à fleur de peau qui met sa liberté au-dessus de tout et le paie en prison et en drogue. Avec Lisa, de vingt ans son aînée, il forme un couple plein de contradiction et d'amour. Physiquement marqué, alors qu'il doit être à peine dans la trentaine, il porte les stigmates familiaux, celle d'une pauvreté endémique qui se lit chez les siens, jeunes et vieux.
En écho contraire à cette souffrance sans fin, vécue comme la seule condition humaine possible, Minervini filme un groupe de cinglés des armes, des crétins haineux qui sentent le terrible parfum du fascisme.
La juxtaposition des deux communautés laisse le goût d'une Amérique du chacun pour soi, de l'absence de solidarités. Pas question que ces paramilitaires s'intéressent à Mark et à sa famille, sauf peut-être pour en faire un jour des cibles.
"The Other Side" de Robert Minervini raconte une Amérique en guerre perpétuelle, minée par l'intolérance, le déni de l'altérité, la peur absolue de la différence.
Comme dans "Le cœur battant", le cinéaste italien mélange deux univers, mais dans "The Other Side", les deux communautés ne peuvent pas du tout communiquer, même par le hasard de deux jeunes gens qui se croisent.
Le constat est dramatique : chacun est enfermé en lui-même. Manque d'amour pour Lisa et Mark, haine d'Obama, de tout ce qui n'est pas blanc, pour les fous de la gâchette.
Ce que traduit "The Other Side" de Robert Minervini, c'est une atmosphère lourde, celle d'un Amérique qui se prépare, volontairement ou pas, à quelque chose comme une guerre civile. Quand les communautés dissidentes qui foisonnent ici et là finiront par rentrer en contact, ce ne sera certainement pas le temps de la fusion et de l'effusion. Leurs heurts annoncera l'heure d'un temps apocalyptique.
On l'avait déjà signalé pour "Le cœur battant", c'est loin d'être un hasard si la monteuse du film est Marie-Hélène Dozo, la monteuse attitrée des frères Dardenne. Elle n'hésite pas à garder beaucoup des longues séquences filmées par Minervini. Particulièrement justes en durée sont les plans accordées à Mark et à ses proches.
"The Other Side" de Robert Minervini n'est pas totalement un film sans espoir. Ne s'y lit aucun cynisme, aucun sensationnalisme malsain. Quelque part, malgré toute cette noirceur, on y espère un déclic autre que le clic des mitraillettes que l'on charge. |