Comédie dramatique de Blandine Costaz, mise en scène de Laurent Fréchuret, avec Marianne Basler et Gilles Cohen.
Blandine Costaz aime les mots, aime les acteurs, aime le théâtre. "Revenez demain" est une combinatoire des trois. Avec en supplément une bonne dose d'absurde.
Mécanique très élaborée, l'univers de Blandine Costaz a besoin d'acteurs émérites pour ne pas paraître trop froid, trop distant, trop écrit.
Avec Marianne Basler, "Revenez demain" gagne forcément en sensualité, une sensualité intérieure qui sait éviter la fragilité, celle d'une femme qui faire face à la pire des inquisitions, celle d'un "Directeur des Ressources Humaines", présenté ici comme le patron lui-même.
Entre divorce et recherche d'emploi, questionnement sur son identité féminine au moment où elle doit feindre la force et l'expérience de la maturité, Marianne Basler doit rendre crédible un personnage complexe, surtout quand lui fait face l'énigme d'un employeur à la fois infantile et dominateur.
Gilles Cohen, lui, sait rendre le paradoxe d'un homme qui a le pouvoir de décision et qui le transforme en pouvoir de ne pas décider. Le cœur de la pièce, et l'un de ses principaux ressorts, est dans le jeu toujours renouvelé de la même scène, celle où le patron, après avoir interrogé la postulante, trouve un prétexte pour la reconvoquer le jour d'après.
Au fond, "Revenez demain" pourrait s'appeler "Pour un oui ou pour un non" et se définir comme un théâtre de la cruauté moderne, celui de l'entretien d'embauche.
Cette cruauté rétroagit sur le personnage de Marianne Basler au point de bousculer sa temporalité personnelle et de la ramener ailleurs, dans une scène antérieure où c'est elle qui choisit : celle où elle annonce à son mari qu'elle divorce.
Comme par hasard, ou plutôt comme attendu, le mari est aussi joué par Gilles Cohen. Mais, dans ce nouveau contexte, le décor elliptique de l'entretien, une chaise face à un fauteuil, est remplacé par intérieur "allemand" cossu et chargé, et l'escrime moucheté par un ping-pong très direct.
"Revenez demain" est une pièce très écrite par Blandine Costaz et très mise en scène par Laurent Fréchuret. On pourra la trouver plus cérébrale qu'émouvante, mais on ne lui déniera pas une subtilité ambitieuse et vraiment rare quand on théâtralise le monde de l'entreprise.
Par une voie très intellectualisée, Blandine Costaz réussit à démontrer que dans ce duel inégal, Marianne Basler joue sa peau à pile et face. |