Seul en scène théâtro-musical écrit et interprété par Clémence Massat dans une mise en scène de Philippe Caubère. En 1995, Clémence Massart, avec son complice de toujours Philippe Caubère, avait conçu un spectacle bâti autour de textes piochés dans les "Courriers du coeur" d'antan qui fleurissaient dans les journaux avant le vote de la loi Veil et la concurrence de Ménie Grégoire sur Radio Luxembourg.
Alors que l'affaire Weinstein a déclenché une vague de révélations sur le harcèlement sexuel et en a fait une cause internationale, Clémence Massart et Philippe Caubère, qui la met en scène dans une atmosphère de saison, avec guirlandes électriques et sapins de Noël, ont décidé de reprendre ce spectacle.
Déjà d'un autre temps en 1995, ces courriers du cœur interprétés par Clémence Massart, paraissent vingt ans plus tard ceux d'un siècle passé. L'effet est renforcé par l'actrice elle-même avec son robe rouge à pois blancs et son "camélia rouge" dans les cheveux.
Comme elle n'interprète que la partie "lettres", et jamais la réponse de la journaliste préposée à la rubrique qui oscillait entre bon sens et conseil maternaliste, c'est une petite page sociologique des années 1945-1960 qui est donnée à entendre aux spectateurs.
Manière d'écrire les choses à demi-mots, emploi de formules ou de mots désuets ou précieux, tout porte à rire... surtout que Clémence Massart joue des dizaines de personnages différents et complique la performance en s'ingéniant à faire en sorte qu'aucune des lectrices ne ressemble totalement à une autre.
Si l'on apprécie le choix des lettres qui en dit long sur les frustrations des femmes et la difficulté de la condition féminine dans une société à la fois phallocrate et pudibonde, on ne manquera de souligner le travail scénique de Clémence Massart.
Le rire fuse mais l'émotion n'est également jamais absente dans ce parcours jamais désincarné dans une France populaire pleine de tabous mais aussi débordante d'appétit pour la chose dans une vie pas vraiment facile où faire l'amour était le seul loisir des classes défavorisées.
De temps à autre, Clémence Massart se donne des respirations à l'accordéon. Mais, contrairement à ce qu'on aurait pu penser, elle ne tombe jamais dans le pléonasme de la chanson réaliste.
On aura ainsi la chance de l'écouter, entre autres, dans une sublime version de "La Mémoire et la Mer", ce lamento d'amour de Léo Ferré, ou dans une chanson pince-sans-rire sur "la jalousie" signée Jérôme Savary. Cette amoureuse des beaux textes quittera même la scène sur un poème de Robert Desnos... Sans oublier une version à épisodes de la chanson titre du spectacle.
Le "Que je t'aime !" de Clémence Massart moins emphatique que celui de Johnny est à l'image de son spectacle : puissant, nécessaire et plein d'humour. Car si les "courriers du coeur" sont peut-être désormais d'un autre temps, celles qui les envoyaient ont d'autres combats à mener et pas seulement sur le plan sexuel.
Entendre des mots populaires d'hier, c'est aussi entendre les mots populaires d'aujourd'hui. Clémence Massart dit les vertus d'un peuple qui n'a plus la peur au ventre quand son cœur reprend goût à l'amour.
Il faut aller l'entendre dire cela avec une belle énergie communicative.
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