Réalisé par Alla Kovgan. Allemagne/France. Documentaire. 1h36 (Sortie le 1er janvier 2020). Et si l'on commençait 2020 par une vraie expérience esthétique ? Une expérience qui convaincra les plus sceptiques sur l'intérêt de la 3D s'ils ont la chance de voir "Cunnigham" d'Alla Kovgan dans une salle équipée pour cela.
Que l'on soit féru de danse moderne ou que l'on n'y connaisse absolument rien, les 93 minutes que l'on va passer en compagnie des danseurs qui reprennent quelques-unes des chorégraphies de Merce Cunningham seront inoubliables.
Loin d'être un "biopic", "Cunningham" d'Alla Kovgan est une plongée dans les 70 ans de création du chorégraphe américain qui a renouvelé en profondeur la danse moderne, de 1940 à 2010.
Si l'on disséquait le film, on pourrait dire qu'il est composé aux deux-tiers d'extraits de ballets de Cunningham reconstitués magistralement aujourd'hui par des danseurs dans la mouvance du maître et que le reste alterne images et sons d'archives où l'on entend des propos du danseur et de ses proches.
Car cet homme singulier a su aimanter autour de lui les plus grands artistes américains, à commencer par son compagnon le compositeur John Cage et son ami le peintre Robert Rauschenberg. On pourrait aussi citer la quintessence de l'art moderne américain des années 50-60 : Frank Stella, Andy Warhol, Jasper Johns...
La grande intelligence d'Alla Kovgan est d'avoir mis en situation les œuvres de Cunningham, de leur donner à chacune une seconde vie grâce aux techniques actuelles et d'appliquer à chaque fois un traitement différent.
Ainsi, c'est d'un hélicoptère filmant des vues aériennes du bâtiment Westbeth, là où était installée le "Studio Cunningham", que l'on découvrira des danseurs sur le toit en train de danser Winterbranch1964). "Rune" (1958) sera saisi dans une forêt de pin, et "Idylle Song" (1944) dans un tunnel en Allemagne.
Quant au ballet "Summersplace" (1958), il est tourné sur fond vert sur lequel on surajoute sur toute la surface, du sol au plafond, un magnifique décor pointilliste de Raul Rauschenberg.
Le travail jamais à cours d'idées d'Alla Kovgan ajoute donc la troisième dimension aux œuvres solaires de Cunningham déjà magnifiées par ses collaborateurs, génies musicaux ou picturaux...
On a presque du mal à utiliser le mot "documentaire" pour définir ce qu'elle propose. Ici, danse, décor, musique et film s'épousent pour parvenir à la tant recherchée harmonie...
On pourrait même, sans galvauder l'expression, écrire qu'elle s'approche de cette "Harmonie du monde" dont rêvent tous les grands créateurs. En tout cas, elle fait mieux que célébrer un génie : elle le ressuscite. |