Film
italien, danois, suédois, français, norvégien de Lars
von Trier avec Nicole Kidman, Paul Bettany, Patricia Clarkson, Jeremy Davies
et Siobhan Fallon
Il faut foncer voir le dernier Von Trier. Voilà, après les merveilleux
" Breaking the Waves " et " Dancer In The Dark " un nouveau
pari excitant et totalement abouti de notre Danois préféré:
filmer, trois heures durant, la rencontre d'une fugitive (Nicole Kidman, resplendissante)
et les habitants de la petite bourgade de Dogville, coincée contre
les Rocheuses de l'Ouest Américain, et dont les contours des rues et
maisons sont tracées à la peinture sur le sol d'un grand hangar.
Un huis clos dans un village imaginaire – vraiment imaginaire, pour
le coup, et on n'est pas loin des jeux d'enfants du style " là,
ce serait ma maison, et ça, ce serait ma ville "…
Le décor épuré jusqu'à un " presque rien
" beckettien, on a tout loisir de se concentrer sur l'histoire et les
acteurs, qui sont ici magnifiques. Autour de " la " Kidman, on y
croise un groupe soudé et de vieilles connaissances en état
de grâce : Lauren Bacall, Ben Gazzara, James Caan et la bergmanienne
Harriet Andersson – excusez du peu !
Le film est à la croisée du cinéma, du théâtre
et de la littérature : découpé en neuf chapitres (avec
un prologue) titrés à la manière du Don Quichotte ou
Tom Jones, " Dogville " est soutenu par une voix off au texte remarquablement
écrit, d'une intelligence et d'une ironie magnifiques.
Le film s'ouvre sur Dogville vue de très haut, et la caméra
nous emmène lentement à la découverte de ce bled perdu
au milieu de nulle part. On est à présent à hauteur humaine,
on fait connaissance avec les gens qui vivent là, leurs activités,
leurs " maisons "… On rencontre Tom, un jeune homme épris
de philo et de littérature. Tom voudrait que les habitants du village
soient plus ouverts sur l'extérieur, sur le monde, qu'ils soient plus
généreux… Il est conscient, au fond, que seul un cataclysme
pourrait venir secouer la torpeur de Dogville.
Le cataclysme, c'est Grace/Kidman. Elle est en cavale. Tom l'accueille et
le lendemain, propose aux habitants de Dogville de cacher la belle fugitive
en échange de services qu'elle se met de bonne " grâce "
à leur rendre. Un avis de recherche, relayé par la police, inquiète
les habitants du village qui décident un à un que leur bonté
doit être relative aux risques encourus. Accueillants, oui, mais va
falloir payer, en services et/ou en nature…. Mais Grace n'a pas dit
son dernier mot…
Pas question de déflorer la fin, surprenante et d'une violence réaliste
bien inattendue dans ce monde de carton-pâte.
Allez voir " Dogville ", ce film est non seulement une merveille
de mise en scène audacieuse et originale, mais également un
film captivant de bout en bout et dont les situations qui nous sont proposées
et le propos autant philosophique que politique par moments ne cessent de
nous hanter bien après la projection. |