Imagho fait partie de cette armée de musiciens, aussi peu connus et reconnus, presque transparents aux yeux du public qu’absolument nécessaires. Si, pour certains, pour être heureux, il faut vivre cachés, pour d’autres c’est malheureusement un état de fait.
Quelle horreur pour un musicien que de se demander s’il faut continuer ! La question n’est même plus de savoir s’il pourra vivre de son art. Alors oui, il faut continuer coûte que coûte et envers et contre tout et tous. Contre une société qui n’écoute plus de musique, à peine en entend-elle, pour laquelle la poésie est un gros mot. Une société en pleine crise de la culture où le concept même de culture fait question. Une société qui préfère ériger des murs que danser avec son voisin. Envers parfois des labels frileux où la rentabilité et la sécurité comptent plus que les choix artistiques.
Mais cette position a quelques avantages : ne pas courir après le succès laisse une plus grande marge de liberté et la possibilité d’avancer à son rythme, quitte à reprendre ou à refaire son travail. C’est le cas ici.  Imagho possède déjà une belle carrière (quelques beaux albums solo et quelques collaborations, tous forts recommandables) de musicien guitariste mais c’est le projet avorté d’un disque guitare voix qui l’a conduit au choix de la pure indépendance (avec la création de son propre label).
Le projet Soleil de Tokyo va donc connaître une renaissance ou une seconde naissance plutôt. Et pour quel résultat ! Un très bel album de chansons. Imagho nous entraîne dans son univers poétique où chaque note, chaque mot (pas chanté mais en sprechgesang) semble avoir été choisi en conséquence et prendre le temps d’apparaître et de disparaître. Pas de style précis ici, pas de formes purement conventionnelles. Les morceaux existent pour ceux qu’ils sont. Une envolée, une atmosphère, un silence. Les notes, les mots comment des moments de vie, s’égrènent doucement, parfois nimbés de mystére, d’une fausse lenteur mais toujours avec sincérité.
Peut-être parce que c’est la dernière chose, la plus importante, qui reste à des musiciens comme Imagho, faire de la musique, viscéralement, mais toujours avec sincérité. C’est pour cela que nous ne cesserons de la défendre, avec parfois le sentiment d’être Don Quichotte... Mais c’est aussi à vous de faire vivre cette musique.
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