Monologue dramatique écrit et mis en scène par Bruno Abraham-Kremer et Corine Juresco et interprété par Bruno Abraham-Kreme accompagné par Hibertus Biermann et Jean-Baptiste Favory.
Rarement un peintre aura si bien parler de son métier de peintre. Dans sa correspondance, Nicolas de Staël montre comment il est habité par son art et comment celui-ci le possède, l'obsède jusqu'à la déraison. Après 1945, ce peintre d'origine russe blanche, qui a d'abord connu de terribles années de vache enragée, acquiert une grande notoriété. Mais que sa cote s'envole ne l'empêche pas de poursuivre ses recherches acharnées sur les couleurs. Abstrait et figuratif à la fois, il travaille sans relâche produisant une œuvre originale, constamment à la recherche de la beauté idéale. En adaptant pour la scène ses lettres, notamment celles adressées à René Char, et celles de la dernière partie de sa vie, 1951-1954, Bruno Abraham-Kremer et Corinne Jurasco ont bien choisi leur titre, "Nicolas de Staël, la fureur de peindre", car il est littéralement furieux, insatisfait de ne pas atteindre son nirvana pictural, en colère constante contre lui-même. On le verra évoluer dans ses sentiments durant tout le spectacle puisque sur la scène sont installés des panneaux de différentes tailles sur lesquelles seront projetés des "extraits" de tableaux de Nicolas de Staël. On soulignera ce travail vidéo d'Arno Veyrat qui illustre avec une grande sûreté de goût les propos tenus par Bruno Abraham-Kremer ou par son interlocuteur Hubertus Biermann, par ailleurs contrebassiste, assurant le contrepoint musical avec l'électroacousticien Jean-Baptiste Favory. Car si Bruno Abraham-Kremer porte haut la voix du peintre, avec une science aigue de la psychologie compliquée d'un artiste écorché vif, il a conçu avec Corine Juresco un spectacle multi-dimensionnel où mots, musiques et images se relaient pour restituer l'artiste total qu'était Nicolas de Staël. En soixante-quinze minutes, Bruno Abraham-Kremer et ses compagnons auront ainsi tracé un portrait passionnant d'un peintre majeur du siècle passé et produit un spectacle impeccable ni didactique ni hagiographique mais tout simplement inspiré.
On se questionnera longtemps sur le destin mystérieux d'un homme qui n'a pu se contenter de son immense talent. |