Winter Road nous raconte l’histoire de Derek, ancien joueur de hockey sur glace, vivant dans une petite ville au nord de l’Ontario. La vie de Derek tourne autour de période de grande dépression, d’alcool aussi, en grand quantité, et de bagarres (les deux vont souvent ensemble). Sa vie a changé le jour où un accident l’a contraint à abandonner sa carrière de hockeyeur. Il a bien repris le restaurant de sa mère décédée pour subvenir à ses besoins mais cela ne l’empêche pas de se morfondre dans une petite vie misérable.
Un jour, sa petite sœur Beth réapparait, après être partie treize années auparavant à Toronto. Ce retour inattendu va redonner un but à la vie de Derek. Revenue sans bagage, elle traine néanmoins derrière elle un paquet de problèmes. Battue et droguée, enceinte de celui qui la frappe, Derek va décider de passer avec elle quelques semaines dans une maison isolée au fond des bois.
On va alors suivre la destinée de ces deux êtres abimés par la vie dans leurs quêtes de repères et de fraternité, le tout à travers une atmosphère souvent lourde et pesante que les dessins de l’auteur arrivent à nous faire vivre magistralement. Les dialogues entre le frère et la sœur sont très souvent simples mais parlants, émouvants aussi. Les échanges se font aussi à l’aide de nombreux regards que l’auteur a réussi à dessiner avec talent.
L’ouvrage est donc construit autour de plusieurs thèmes, les relations familiales avec cette belle histoire entre un frère et une sœur, la vengeance aussi, la recherche de son identité et la rédemption évidemment par le don de sa personne. Les dessins de Jeff Lemire développent en profondeur tous ses thèmes avec des nombreuses planches sans texte.
Le récit est ponctué de nombreux flashback auquel le dessin s’adapte en utilisant une palette chromatique différente en fonction de l’époque. L’auteur joue sur une bichromie noir et bleu qui permet de mettre de la distance et de la froideur dans son récit. Il utilise la couleur pour évoquer les scènes du passé quand d’habitude on a tendance à utiliser le noir et blanc pour cette période. Une fois encore, Jeff Lemire prend le parti pris de choisir l’inhabituel pour mieux nous surprendre.
Les dessins sont très souvent réalistes, particulièrement ceux correspondant aux visages des protagonistes en fonction de leurs traumatismes. L’ensemble dégage aussi une très grande émotion, particulièrement avec le dénouement. On ne sort pas indemne de la lecture de cet ouvrage.
Jeff Lemire nous livre donc un superbe ouvrage, un récit noir, violent et dramatique qui garde néanmoins des traces d’espoir. Le travail graphique de l’auteur est superbe avec des traits vifs, saisissants de réalisme et un découpage cinématographique qui pourrait faire de cet ouvrage un très bon film. |