Spectacle écrit par Kelly Rivière, mis en scène par Philippe Baronnet avec Pierre Bidard, Kelly Rivière, Clémentine Allain.
Une salle de classe ou une salle des profs. C'est comme on veut. L'écran blanc de la vidéo prend le dessus sur l'inévitable tableau vert.
Une professeure entre, une fois la vidéo liminaire de huit minutes achevée. On y aura vu des élèves et des profs, soulevant des questions, lançant des affirmations, évoquant leur problèmes.
Tout cela à fleuret moucheté, loin de la banlieue, en pleine France proprette qui sait normalement maîtriser ses nerfs et qui cache ses problèmes parce que le taiseux ou le discret est la loi, le bavard ou l'introverti, l'exception.
Et le voilà, le vilain petit canard qui se dresse tout à coup sous la forme d'un jeune homme qui vient interpeller Madame Ogier, sa prof principale. Nathan est en terminale mais ne va pas finir l'année. Il vient le dire bravement à Madame Ogier et ajoute, avec quelque peu de fierté, comment il va (très bien) gagner sa vie sans le Bac.
La nouvelle, pour l'enseignante, semble déjà du réchauffé et Nathan, contrairement à ce qu'il avait prévu, se retrouve aux prises avec une prof combative.
Kelly Rivière, auteure et interprète de "Si tu t'en vas", n'a pourtant pas conçu sa pièce comme un affrontement. Quand le dialogue, souvent de sourds, avec son élève a lieu, il n'y a pas à chercher de vainqueur et de vaincu. Bien entendu, en tant qu'enseignante, elle a dû déjà faire face à un élève démissionnaire. Ce qu'elle va lui reprocher c'est le "conformisme" numérique du plan qu'il imagine pour déserter le lycée. Tout cela à bas bruit puisqu'elle espère le faire revenir sur sa décision.
Bien mené, avec un réel suspense, "Si tu t'en vas" décrit assez justement les arguments des profs-parents, toujours partisans du "Passe ton bac d'abord", même si, ici, on sent bien qu'elle n'en est pas tout à fait convaincue. Reste le côté élève, plus difficile sans doute à cerner pour l'auteure. Pierre Bidard joue un Nathan négatif, sur le qui-vive et prêt à mordre si Madame Ogier ose remettre en cause la belle histoire qu'il se raconte pour justifier son départ.
Destiné à être joué dans les lycées, "Si tu t'en vas" est un peu dans la position de la professeure : il ne faut pas que les élèves décrochent en ne s'identifiant pas au personnage de Nathan. Kelly Rivière est donc doublement sur la réserve : à la fois comme comédienne et comme auteur. Cela nourrit son jeu et donne à sa prestation une espèce d'intranquillité nécessaire à sa crédibilité. On peut dire qu'elle réussit parfaitement ce qu'elle cherchait et la résolution de la pièce en devient aussi limpide qu' incontestable.
Dans sa mise en scène, en balance entre les deux personnages, Philippe Baronnet ne commet pas d'erreur. Chacun peut s'exprimer sans humilier l'autre et si le lycéen dit forcément les mots de l'auteure-prof, il a, pour s'exprimer avec une marge d'autonomie, la gestuelle et le langage des ados.
On est curieux de savoir comment les principaux intéressés recevront ce texte écrit avec justesse et finement interprété. Au niveau théâtral, "Si tu t'en vas" mérite de toute façon une excellente note. |