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Théâtre du Rond-Point  (Paris)  septembre 2012

Comédie écrite et mise en scène par Valère Novarin, avec Julie Kpéré, Olivier Martin-Salvan, Dominique Parent, Richard Pierre, Myrto Procopiou, Nicolas Struve, René Turquois et Valérie Vinci.

Dans "L'Atelier volant", texte écrit en 1971, Valère Novarina décortique les méthodes de ce qu'on n'appelait pas encore "le management" au sein d'une fabrique d'objets manufacturés.

Valère Novarina montre le rapport de classe qui existe entre le chef d'entreprise, Monsieur Bouche, et les employés. Ceux-ci achètent les objets qu'ils fabriquent mais qui se brisent à la première utilisation.

Pour asseoir son pouvoir, M. Bouche (ou Bouc, ou Bucco...) use de toutes les ficelles de la manipulation "à l'ancienne" : créer des dissensions  ntre les employés, les faire surveiller par un "jaune" pour prendre la température au sein de l'atelier, accorder des miettes des profits dégagés par l'entreprise en se déclarant victime de la baisse des marges, faire licencier un employé en l'accusant d'avoir volé un clou... Si les dirigeants sont identifiés par un patronyme, les cinq employés sont pour leur part interchangeables, immatriculés de A à E.

A mesure que le texte se déroule, une novlangue se compose. La parole, devient en se transformant, arme de pouvoir. C'est l'apparition du langage des experts, le langage qui fait paraître celui qui l'emploie pour un docte spécialiste alors qu'il dissimule une absence de connaissance du concret derrière des formules alambiquées.

M. Bouc use de ce stratagème, parlant de "recruiting", de "marketing" et d' "imponderability", à des employés dont le langage se détériore. Le spécialiste de cette technique dans l'entreprise est le "docteur", chauve, tout de noir vêtu, qui vient faire des propositions à M. Bouc pour augmenter les cadences. La contre-proposition au modèle proposé par la classe dirigeante ne peut plus être exprimée, proposée, mise en place. Le langage que s'est approprié la classe dirigeante rend impossible l'évolution du modèle en place vers un modèle plus social.

Valère Novarina met en scène sa propre création montée pour la première fois à Suresnes par Jean-Pierre Sarrazac en 1974. Mais cette mise en scène peine à convaincre. Alors que l'atelier semble entrer dans l'aire de la production industrielle, de la mécanisation, d'une productivité suivie par des méthodes mathématiques, les scènes s'enchaînent de manière parfois brouillonnes.

Un cube composé de barres métalliques jaunes se déplace de l'avant à l'arrière de la scène, parfois machine destinée à la fabrication, parfois estrade destinée à échanger avec les travailleurs. Alors que le texte demande une incroyable rigueur aux acteurs, les déplacements qui les amènent à traverser la scène d'un bout à l'autre ne permettent pas une coordination répondant à une logique mathématique et visible.

Les acteurs ont fort à faire pour maîtriser un texte dont les mots deviennent de plus en plus incompréhensibles, mais qu'ils doivent parfois aussi chanter. Dans le rôle du couple Boucot (ou Bouc ou Bouche...), Olivier Martin-Salvan montre une énergie sans faille pendant deux heures tandis que Myrto Procopiou se déplace avec grâce. Richard Pierre, en docteur, déplace sa silhouette sombre dans le décor immaculé en silence tel un animal de proie.

Les employés A,B,C D et E, c'est-à-dire Nicolas Struve, Dominique Parent, René Turquois, Valérie Vinci et Julie Kpéré, interviennent avec justesse au moment voulu.

La pièce de Valère Noravina apparaît dés lors comme le représentant d'un théâtre engagé des années 70 qui semble figé dans le temps, d'autant que les costumes créés par Renato Bianchi font eux aussi référence à cette période. Le costume de M. Bouc ressemble à la combinaison portée par Martin Landau dans "Cosmos 1999" (1975) et la robe de Mme Bouc semble provenir du village du "Prisonnier" (1967).

Cette farce macabre qui dénonce les méthodes de management est aujourd'hui largement dépassée par la réalité. Chaque entreprise fait appel à ces "docteurs" aujourd'hui nommés consultant ou intervenants extérieurs. Des employés pauvres de supérettes sont licenciés pour avoir récupéré des légumes impropres à la vente dans les poubelles à l'extérieur du magasin.

La novlangue de l'entreprise fait aujourd'hui les manchette des journaux. Jean-Marc Sylvestre et consorts se réunissent sur les plateaux de télévision pour expliquer qu'un autre monde est impossible, assénant leurs vérités à grands renforts de benchmarking, de hedge funds ou de cash flow. Quant à l'employé qui menace de se suicider, France Télécom a été mise en examen en tant que personne morale suite à la vague de suicides qui a eu lieu dans l'entreprise en 2008 et 2009.

Quarante années après sa création, "L'atelier volant" ressemble à une image sépia de la vie en entreprise aujourd'hui. La réalité a dépassé la fiction. La farce est devenu réalité.

 

Laurent Coudol         
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