Spectacle conçu par Céline Fuhrer, Gaëtan Peau, Matthieu Poulet et Jean-Luc Vincent d’après une oeuvre d’Alfred de Musset et interprété par Céline Fuhrer, Christophe Paou, Matthieu Poulet et Jean-Luc Vincent.
Avec sa première - et réussie - création intitulée "Prenez garde à son petit couteau", la Compagnie L’Heure avant l’aube fondée par Matthieu Poulet épingle, sans aménité et en mode de destruction massive façon bombe à fragmentation, la gouvernance et les mœurs politiques contemporaines.
Conçue de manière collective avec la pratique de l'écriture de plateau, en l'espèce évitant ses travers notamment ceux tenant aux juxtapositions tant stylistiques que d'egos concourant à un empilement des numéros d'acteur, la percutante partition concoctée par Céline Fuhrer, Gaëtan Peau, Matthieu Poulet et Jean-Luc Vincent s'inspire de la trame de l'opus musséien "Lorenzaccio" dans lequel l'idéaliste personnage-titre en lutte contre la tyrannie croit pouvoir l'éradiquer en abattant son bras armé.
Iconoclaste, la plume est acérée et la satire violente pour dénoncer la comédie du pouvoir menée par des individus cyniques et opportunistes qui se nourrissent sur la bête sans souci ni de la Nation ni du bien commun, et précisément dans le cadre français de la monarchie présidentielle.
Et rappeler que, face à la machine du pouvoir non seulement dotée d'une puissance autonome mais soutenue par la ligue de ceux qui en bénéficie même temporairement, est voué à l'échec toute tentative de changement du système de l?intérieur.
Ainsi dans le huis-clos d'un bureau ministériel qui ressemble à un cul de basse-fosse, l'intrigue d'une chute annoncée de l'anti-héros se déploie dans un audacieux, abouti et fantaisiste mélange des genres non seulement théâtraux mais disciplinaires de la tragi-comédie à la parodie en passant par le soap-opera et de la dérision à l'absurde nourris d'édifiantes réalités.
Devant l'idéaliste infiltré sous la fonction de directeur de cabinet, se côtoient, se confrontent et s'acoquinent trois cyniques de haute volée célébrant la victoire du vice sous une jubilatoire - et néanmoins terrifiante - déflagration comique.
Le ministre de l'Economie et des Finances à la vie aussi débridée que son hubris démesuré qui refuse le poste de premier ministre ambitionnant, après démission, de concourir pour la magistrature suprême ce qui n'est pas sans rappeler une situation récente, sa chargée de communication diva de la manipulation médiatique costumée "stylistes main stream" et l'éminence grise de la haute administration champion de la prévarication.
Au jeu, dans la mise en scène de Matthieu Poulet formé à l'Ecole internationale de théâtre Jacques Lecoq qui fait la part belle à la dramaturgie gestuelle, lui-même convaincant en asthénique et pathétique anti-héros, un superbe trio porte cette stupéfiante immersion dans les arcanes du pouvoir et les noirceurs de l'âme.
Christophe Paou époustouflant en histrion mégalomaniaque, Céline Fuhrer étourdissante en communicante fashionista et Jean-Luc Vincent épatant avec ses airs de Cheshire Cat luchinien
Excellentissime. |