Réalisé par Stéphane Lévy. France. Drame. 1h10 (Sortie le 23 juillet 2014). Avec Régis Jauffret et Anna Sigalevitch.
"Loup-Garou" a tout pour passé inaperçu : une histoire minimaliste et anecdotique, des comédiens qui n'en sont pas, une durée inaccoutumée de 70 minutes... et une sortie estivale au moment où la clientèle bobo visée est dans le Lubéron.
Mais, et c'est là toute la beauté d'une entreprise vouée à coup sûr au désastre, "Loup-Garou" est un film d'écrivain. Un de ces films d'écrivains qui font la singularité et l'honneur du cinéma hexagonal.
Attention, quand on dit "film d'écrivain" on ne pense pas à ces "petits romanciers" qui sont passés derrière la caméra, d'Éric-Emmanuel Schmitt à David Foenkinos ou à Alexandre Jardin. Non, ici on est dans l'écrivain "majeur", celui qui possède un style, un univers, une manière. Comme Robbe-Grillet, comme Duras.
Pour sa première tentative, Régis Jauffret a préféré laisser les rênes de la réalisation à Stéphane Lévy. Il faut dire que, pour l'instant, ce qu'il voulait avant tout c'était jouer les pervers subtils sur un écran ("A l'occasion de ce film, j'ai pu vivre avec toute l'humilité du monde mon rêve de gosse de jouer les acteurs").
L'auteur de "Claustria", qui décrivait un ogre autrichien retenant ses victimes dans sa cave, se donne dans "Loup-Garou" un rôle voisin. Attirée dans ses rets, une jeune femme accepte de jouer les baby-sitters pour un enfant qui n'est pas encore arrivé dans la bastide isolé où il vit seul... Mais bien vite, la jeune femme s'interroge : l'enfant viendra-t-il ? Existe-t-il vraiment ?
Et puis, c'est au tour du spectateur de s'interroger : cette jeune femme est-elle vraiment si dupe ? N'est-elle pas un peu ou beaucoup consentante ? Ne s'est-elle pas jetée opportunément dans la gueule de ce grand méchant loup ?
Que de questions ! Et comme toujours dans ce genre de films, il ne faut pas s'attendre à des réponses, à de vraies réponses.
Comme la jeune femme, le spectateur finit lui-même par s'interroger : est-ce qu'il a tout compris ? Est-ce qu'il n'a pas raté un indice pour démêler l'intrigue ? Peut-être se demandera-t-il, si, hypnotisé par Jauffret, il ne s'est pas assoupi et est donc le fautif s'il pédale dans la choucroute méridionale ?
Qu'il se rassure, ici comme souvent , il n'y a rien à comprendre. "Loup-Garou" est un vrai film fantastique. Comme dans "La Féline" de Jacques Tourneur où l'on ne savait plus à la fin si la femme s'était ou non transformée en panthère, on se demande à la fin de "Loup-Garou" si Jauffret est vraiment un lycanthrope ou un gros fumiste bedonnant s'amusant, comme il le disait tout à l'heure, à jouer à l'acteur...
"Loup-Garou" de Stéphane Lévy est donc bien un film d'écrivains. Un film littéraire excitant qui devrait en appeler d'autres. Jauffret, dont les livres ne doivent pas se vendre comme des petits pains, a bien fait de passer à la phase "cinéma". Ce sera forcément là où sa "gloire littéraire" pourra rebondir.
A suivre avec délice, les canines prêtes à mordre dans la chair fraîche... |